Histoire de la pensée économique

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I - Pas de pensée économique dans l'Antiquité

II - La pensée économique au Moyen-Age se limite à des considérations religieuses

III - La Réforme : renaissance de l'individualisme germain face à la hiérarchie romaine

IV - Les Mercantilistes de la Renaissance : "Protéger pour développer"

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I - Pas de pensée économique dans l'Antiquité

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1.2   Le monde romain : L'inventeur de l'Etat moderne a détruit lui même les bases économiques de sa puissance. 

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L'héritage intellectuel Grec bloque la diffusion des innovations techniques en dehors des domaines réservés à l'Etat

D'un point de vue intellectuel, Les Romains se sont contentés de reprendre le discours moral sur l'économie et le commerce de Platon et d'Aristote.

Comme les Grecs, les Romains n'ont pas su diffuser les innovations techniques dans les domaines de la production économique civile (fermes, mines, ateliers de production). L'édifice Romain est grandiose, mais se limite aux seuls domaines d'intervention de l'Etat : l'administration, l'armée, la marine, les routes, les ports, l'architecture, les équipements publics (égouts, bains publics, aqueducs).

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Source : Daniel Cohen - La prospérité du vice - page 33 - Editions Albin Michel - 2009

Mais les usages civils de ces techniques restèrent en sommeil. Pour tout ce qui touche à la vie économique stricto sensus, le millénaire occidental qui va de -500 à + 500 a été particulièrement pauvre. selon l'historien des techniques Joel Mokyr(1), la société antique gréco-romaine n'a en fait jamais été très inventive d'un strict point de vue technologique. Elle a construit des roues à eau mais n'a pas véritablement utilisé l'énergie hydraulique. Elle maîtrisait la fabrication du verre et comprenait comment utiliser les rayons du soleil, mais n'a pas inventé les lunettes.

Comme le résume très bien l'historien de l'Antiquité Aldo Schiavone, (2) "le fameux pragmatisme romain était social, non technologique : il concernait l'administration, la politique, le droit, l'organisation militaire. Ces grands ingénieurs et architectes, ces constructeurs incomparables de ponts, de routes, d'aqueducs, ces savants utilisateurs d'engins de guerre ne parvinrent jamais à penser que le terrain privilégié d'utilisation et d'amélioration des machines devait être les campagnes ou les ateliers".

1. Joel Mokyr, The Lever of Riches. Technological Creativity and Economic Progress, Oxford, Oxford University Press, 1990

2. Aldo Schiavone, Le Destin brisé. La Rome antique et l'Occident moderne, traduction française, Paris, Belin, 2003)

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Le pragmatisme Romain invente l'Etat moderne.

Moins intellectuels que les Grecs, les Romains vont reprendre l'héritage hellénistique pour construire un Etat moderne qui unifie tout le pourtour méditerranéen, avec ses administrations, son armée de métier, ses infrastructures routières et portuaires, ses écoles, sa fiscalité . Ils découvrent le ciment et édifient sur tous leurs territoires des villes modernes, dotées d'égouts, de fontaines et de bains publics, alimentés en eau par des aqueducs.  Les habitants de Pompéi avaient un niveau de richesse, de santé et d'hygiène publique que l'Europe ne retrouvera qu'au XIXème siècle.

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L'esclavage de masse a ruiné le soldat paysan romain

De la dernière guerre Punique (-146) à la conquête de la Gaule (-51), les victoires des légions romaines ont fournit aux riches sénateurs un nombre considérable d'esclaves. Dans les campagnes, les paysans soldats romains furent ruinés par cette nouvelle concurrence servile des grandes propriétés des sénateurs. Chaque nouvelle conquête de la République Romaine conduisait à un affaiblissement de la base sociale de ses légions, composées de citoyens soldats et non de soldats de métiers. Appelés au combat, les citoyens soldats ne pouvaient s'occuper de leurs champs. Leurs victoires au combat avait pour seul résultat de fournir aux riches sénateurs un grand nombre d'esclaves, qui allaient concurrencer les citoyens soldats revenus sur ses terres.

Chassés de leurs terres, les plus valeureux des citoyens des campagnes s'engagent dans l'armée, comme soldat de métier. L'armée romaine devient peu à peu un corps social autonome, où les liens de fidélité des soldats de métiers au chef de la légion se substituent aux liens de fidélité des citoyens soldats à la République et au Sénat.

La grande masse des paysans ruinés afflue vers Rome. C'est ainsi que les valeureux citoyens soldats qui ont fait la grandeur de Rome devinrent une plèbe oisive et dangereuse, qu'il faudra occuper par "le pain et les jeux".

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Les Sénateurs sapent eux même les bases économiques et sociales de la République, dont ils sont les premiers bénéficiaires.

Faute de culture économique, les Romains n'ont pas su maîtriser les bouleversements occasionnés par leurs propres conquêtes, qui allaient ruiner le petit peuple des soldats-paysans romains et entrainer le déclin de l'agriculture et de l'industrie italienne au profit des pays neufs. Ne comprenant pas les fondements économiques et sociaux de la puissance économique et militaire de la République Romaine, les sénateurs patriciens, par avidité, se sont toujours opposés aux réformes nécessaires pour réserver suffisamment de terres aux citoyens soldats paysans. La substitution de soldats professionnels aux soldats citoyens ne pouvait que conduire au déclin du pouvoir du Sénat au profit d'un Empereur, chef des armées.

Source : Aldo Schiavone - Le destin brisé - 203

"En persistant aussi bien à dépendre de l'esclavage qu'à refuser une élaboration sociale et intellectuelle du travail, donc en continuant de confiner l'espace de la production dans une irrémédiable marginalité, cette civilisation se soustrayait à l'avenir, devenant quelque chose comme une orbite morte."

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La faillite intellectuelle du Bas Empire conduit à un régime collectiviste totalement fossilisé.

La République s'enrichit avec les conquêtes. Le Haut Empire gère l'héritage. Une fois les réserves issues de la conquête épuisées, incapable de créer un modèle économique permettant de financer le budget de l'Etat, le Bas Empire écrase d'impôts les citoyens. Comme la population cherche à fuir la pression fiscale, le Bas Empire fixe les habitants sur leur lieu de naissance et rend héréditaire les professions, c'est à dire les obligations fiscales et administratives qui vont avec. Les familles ou les responsables locaux qui doivent fournir leur quota de légionnaires se séparent de leurs membres qu'ils jugent le moins utile.

Il n'y a rien d'idéologique dans la mise en place de ce régime collectiviste. Avant tout pragmatiques, les Romains ont cherché à s'adapter face à l'adversité.

Cela leur a très bien réussit dans le domaine militaire, où même les dernières légions constituaient une réelle force militaire, malgré des effectifs insuffisants du fait de la faillite de l'Etat, l'indiscipline, une formation militaire moins poussée, et des légionnaires peu motivées du fait d'un engagement dans l'armée non désiré pour la plupart.

Mais peu intellectuels, les Romains ont été incapables d'affronter les difficultés économiques. Incapables de créer un environnement favorable à la création de richesses pouvant financer le budget de l'Etat, les Romains se sont contentés d'augmenter la pression fiscale pour compenser les ressources détruites par les invasions et financer les dépenses militaires. Plus la pression fiscale augmentait, plus les citoyens cherchaient à y échapper. Faute d'argent l'Etat a réduit de plus en plus ses effectifs militaires et fait appel aux Goths pour repousser les autres barbares et surtout réprimer les populations qui cherchaient à échapper à l'oppression administrative et fiscale de l'Etat.

Au final, cette alliance de fait de l'Etat Romain avec les barbares "alliés" pour opprimer les populations de l'Empire, a fait que les anciens citoyens romains, qui avaient perdu toute liberté, voyaient l'Etat central comme la principale cause de leurs malheurs. Ils n'avaient aucun intérêt à défendre un Empire qui les opprimait et ne voyaient pas vraiment la différence entre les armées de l'Empereur, composées en grande partie de barbares "alliés" qui chaque jour les brutalisaient, et les autres barbares. 

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Alliance entre l'empire décadent et le monothéisme, pour détruire ce qui reste de l'humanisme individualiste de l'antiquité

Le Christianisme se répand dans tout l'Empire Romain, se nourrissant du désespoir des populations opprimées par l'Etat et massacrées par les barbares. L'Etat collectiviste de Bas-Empire favorise lui même le développement d'une religion monothéiste qui contribue à détruire ce qui reste de l'humanisme individualiste de l'antiquité.

En 380, par l'édit de Thessalonique l'empereur Théodose fait de la religion chrétienne la seule religion de l'Empire Romain. C'est la fin du "miracle Grec", où l'homme libre se dresse contre l'adversité de la nature et des forces divines, pour prendre la maîtrise de son destin individuel.

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L'obscurantisme religieux détruit l'héritage philosophique et scientifique de la civilisation greco-romaine.

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II - La pensée économique au Moyen-Age se limite à des considérations religieuses

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La réflexion économique dans l'Europe du Moyen-Age est principalement l'œuvre des théoriciens scolastiques, dont l'enseignement consistait à relier les dogmes chrétiens à la philosophie d'Aristote.

L'objectif est de trouver un système économique compatible avec les doctrines chrétiennes de piété et de justice. Les réflexions portent principalement sur les échanges au niveau local entre individus. Inspirées d'Aristote et Platon, et fortement influencées par l'Église, les conceptions économiques d'alors dénoncent la chrématistique, l'accumulation des richesses et le prêt à intérêt. L'activité économique est considérée comme un jeu plutôt statique, à somme nulle, dans lequel ce qui est gagné par l'un est obtenu aux dépens de l'autre.

Saint Thomas d'Aquin (1225-1274)

Saint Thomas d’Aquin  est l’un des Pères de l’église chrétienne. Inspiré par Aristote, Saint Thomas d’Aquin va notamment montrer que la foi et la raison ne sont pas incompatibles.

Il considère, en reprenant la pensée d’Aristote, que la propriété privée seule permet de mettre de l’ordre car chacun sait ce qu’il doit faire. La charité vient tempérer les inégalités engendrées par la propriété privée.

Comme Aristote, Saint Thomas d'Aquin condamne le prêt à intérêt car l’accumulation des richesses ne doit pas être une fin en soi ; de plus, il pense que le crédit sert à certaines personnes pour survivre et qu’on ne peut leur demander plus d’argent alors qu’ils n’en ont pas. Le prêt à intérêt suppose le pouvoir d’un homme sur l’autre, le pauvre. L’argent ne doit donc être qu’un moyen d’échange et ne doit pas se multiplier par lui-même. "L'argent ne peut pas engendrer d'argent".

Cependant, à cette époque, le travail et l’activité économique ne sont plus condamnés car la Terre doit être dominée, et le travail permet cela en agissant dessus.

Saint Thomas d’Aquin considère qu’il est impossible de trouver un semblant de justice dans ce bas monde. Tout comme Aristote, il condamne l’accumulation des richesses, qui ne doit pas être une fin en soi.

Saint Thomas d’Aquin montre ce que serait le « juste » prix. Celui-ci ne résulte pas d’un simple consensus entre les parties, mais d’une prise en compte des autres, qui pourraient être lésés par cette transaction.

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La Réforme : un retour à l'individualisme antique d'avant la prise du pouvoir par l'Eglise catholique

La Réforme considère que l'Eglise catholique a trahit le christianisme des origines, qui a rompu la relation directe des croyants avec Dieu pour devenir un pouvoir terrestre corrompu par les ambitions politiques, l'avidité et la débauche.

En se libérant de l'emprise de l'Eglise catholique et en recréant un lien direct entre Dieu et les croyants, la Réforme fait renaître l'individualisme antique. De nouveau des hommes veulent devenir maître de leur destin et changer le monde.

Luther (1483 - 1546)

Henri VIII (1491 - 1547)

Calvin (1509 - 1564)

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III - Les Mercantilistes de la Renaissance :  "Protéger pour développer"

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Les Mercantilistes inventent la science économique

Au XVIe siècle, les Mercantilistes sont les premiers dans l'histoire à développer une pensée économique permettant d’expliquer la richesse des nations et à recommander des mesures pour favoriser leur dynamisme économique.

Les Mercantilistes veulent un Etat fort, protectionniste et colonialiste

Alliés aux Etats-Nations émergents, les Mercantilistes émancipent la pensée économique de l'emprise de l'Eglise et l'activité économique des structures du pouvoir féodal.

Les Mercantilistes sont dans une logique de puissance économique impérialiste : ils sont pour un Etat interventionniste, le protectionnisme, la domination du commerce maritime et le colonialisme.

Le Mercantilisme apparaît dans les années qui suivent la découverte du Nouveau Monde. Il donne une vision économique qui légitime la constitution des Empires européens et la création des grandes compagnies maritimes.

Les Mercantilistes inventent le concept de valeur ajoutée

Ils sont les premiers à expliciter la notion de valeur ajoutée en démontrant que la transformation de matières brutes (coton) en produits finis ( vêtement) est source de création de richesse.

Les 3 formes du Mercantilisme

L'Espagne et le Portugal appliquèrent la version la plus primitive du Mercantilisme, celle du bullionisme (bullion en anglais veut dire lingot) qui se focalise sur la possession des métaux précieux pour assurer la puissance du roi. Il n'y avait aucune réflexion économique pour renforcer l'appareil productif national. Ces empires portugais et espagnol s'épuisèrent à défendre leurs possessions d'Outre-Mer et les convois de galions chargés d'or contre les attaques des Hollandais, des Français et des Anglais.

La France adopta le mercantilisme sous la forme du colbertisme, qui a pour objectif le développement d'un appareil productif au service de la puissance du souverain, entièrement contrôlé par l'Etat.

L'Angleterre et les Pays-Bas appliquèrent un mercantilisme commercial, s'appuyant sur les négociants et la domination du commerce maritime.

 

IV - Les philosophes des lumières libèrent l'esprit scientifique de l'obscurantisme religieux et prônent la liberté individuelle.

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A la fin du XVIIe siècle émerge dans toute l'Europe un mouvement intellectuel qui veut rallumer les lumières d'un esprit humain libre et rationnel. Des hommes et des femmes se battent au nom de la raison contre l'irrationnel, les superstitions et l'intolérance religieuse, au nom de la liberté contre l'arbitraire de l'ordre féodal, Ils veulent promouvoir le savoir scientifique et l'autonomie individuelle.  

Cette révolution intellectuelle, qui va sortir l'Europe de l'ordre féodal, débute en Angleterre en 1688, lorsque Guillaume d'Orange accepte le principe d'une monarchie de type constitutionnelle, ce qui donne naissance à une relative liberté d'expression. Il n'a pas le choix : les protestants anglais sont venus le chercher aux Pays-Bas pour qu'il les aide à se débarrasser d'un roi catholique qui se voulait de droit divin. Le nouveau roi devra composer avec le Parlement, et se montrer tolérant.

Thomas Hobbes (1588-1679) incarne la première révolution du XVIIe siècle de l’Etat nation centralisé, avec l’idée d’un contrat social, et, surtout le souci de la sécurité.

John Locke (1632-1704) met au point la méthode empiriste basée sur l'expérimentation.

Isaac Newton (1643-1727) est traduit en France par madame de Chatelet, maîtresse de Voltaire.

1726 : Lors de son exil en Angleterre, Voltaire découvre un pays où l'ordre compose avec la liberté, et où les sciences sont reines. il lui inspirera ses "Lettres philosophiques" (1734).

1728 : Chambers publie à Londres son "Encyclopédie.

1747 : La Mettrie publie "l'homme machine", ce qui lui vaut l'exil : en France, la société reste dominée par l'Eglise et une aristocratie incapable de se réformer.

1748 : Montesquieu pose les principes de la démocratie libérale et la séparation des pouvoirs dans "L'esprit des lois".

Entre 1751 et 1772, Diderot et D'Alembert publient leur "Encyclopédie, inspirée de celle de Chambers.

Les écossais David Hume (1711-1776) et Adam Smith (1723-1790) réfléchissent à la notion de "société civile".

1783 : Les rédacteurs de la constitution américaine se réclament de Locke.

1784 : Emmanuel Kant publie en Prusse "Qu'est-ce que les Lumières ?"

 

V - Les Physiocrates du siècle des Lumières : "laisser faire les hommes, laisser passer les marchandises"

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A partir de 1750, les Physiocrates français veulent aller au delà du Mercantilisme et du Colbertisme, en démontrant pour la première fois dans l'histoire l'effet bénéfique pour la richesse d'un pays de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce : laisser faire les hommes, laisser passer les marchandise.

Sans le formuler de façon directe, les Physiocrates développent une pensée en rupture avec l'ordre céleste de l'Eglise de l'Ancien Régime.

Par contre, ne pouvant remettre en cause l'ordre aristocratique, qui vit de ses rentes terriennes, les Physiocrates considèrent que seule la terre est source de création de richesses. De ce point de vue, la pensée des Physiocrates est en recul par rapport aux Mercantiistes, qui considèrent que les activités artisanales sont également créatrices de richesses en transformant les matières brutes (coton) en produits finis (vêtement).

C'est le poids étouffant du colbertisme en France qui attisa la réflexion intellectuelle des Physiocrates en faveur de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce. L'Angleterre, qui appliquait déjà de façon empirique ce type de politique, était plus dans la mise en application de cette nouvelle liberté d'entreprendre que dans sa formulation intellectuelle.

1768 : Turgot formule la théorie des rendements agricoles décroissants.

 

VI - L'école classique de la première révolution industrielle : "la main invisible"

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A partir de 1776, l'école classique, contemporaine de la naissance de la première révolution industrielle (coton, fonte, charbon), démontre que les manufactures et le commerce sont devenus les principales sources de création de richesse. A une époque où les produits manufacturés restent très rares, leur valeur est définit par la valeur travail.

L'Ecole classique retient la leçon d'Aristote (384-332 av J.C.) : le désir, non l'intelligence est "l'unique force motrice". Spinoza (1632-1677) résume l'essentiel de cet enseignement d'Aristote en une phrase : "Le désir est l'essence même de l'homme".

L'Ecole classique ne cherche pas à définir ce qui est bien ou mal, ce qui est du ressort des philosophes, des religieux ou des politiques. Les économistes de l'Ecole classique se préoccupent avant tout d'élaborer le système économique le plus efficace, c'est à dire celui qui procure la croissance la plus forte tout en assurant l'équilibre entre l'offre et la demande. Dans cette optique, ils considèrent le désir comme le moteur de l'esprit d'entreprise. Ils ont bien conscience que trop d'égoïsme et trop d'individualisme peuvent avoir des effets néfastes, mais ils considèrent que ce n'est pas de leur ressort et que cela reste secondaire par rapport à la priorité à donner à la libération de l'énergie créatrice des entrepreneurs et des savants.

En France, à la fin de l'Ancien Régime, la réflexion libérale était aussi avancée qu'en Angleterre : c'est au cours d'un séjour en France, où il avait rencontré Voltaire, François Quesnay et les encyclopédistes, qu'Adam Smith découvre les effets bénéfiques de la division du travail et la doctrine du "laisser-faire les hommes, laisser-passer les marchandises" des physiocrates.

Mais les jacobins ont une conception totalitaire de la Révolution, imposant un changement de régime politique dans la terreur. Hors du champ de la pensée économique, ils ne font qu'amplifier la mainmise publique de l'appareil de production, non plus au service du Souverain mais de la Souveraineté Nationale. Du point de vue économique, la "Révolution" française fut très conservatrice, tournant le dos à la modernité libérale qui était en train de naître en Angleterre.

John Stuart Mill (18061873), l'un des derniers classiques, personnifie la deuxième révolution de la pensée économique des XVIIIe et XIXe siècles, l’Etat libéral, avec le double souci de valorisation de la liberté individuelle et de limitation de l’Etat.

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VII - L'échec du socialisme utopique

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A partir de 1820, le socialisme utopique entre en lutte frontale avec le libéralisme économique, qu'il juge responsable de la hausse de la misère ouvrière.

Après le contrat social de Thomas Hobbes (1588-1679)  et les notions de liberté et de limitation du pouvoir de l'Etat de John Stuart Mill (1806-1873), la socialiste britannique Béatrice Webb (1858-1943) conçoit les bases de ce qui deviendra l’Etat providence au service de l'égalité.

Etant les plus farouches défenseurs des acquis de libéralisme politique, non pour une minorité de capitalistes mais pour tous, les socialistes utopiques dénoncent aussi les dérives du socialisme totalitaire.

Trop intellectuel et libertaire pour le monde prolétaire, socialement trop généreux pour le monde des entreprises, le socialisme utopique n'a jamais constitué une réelle force politique. Il n'a mobilisé qu'une petite minorité d'intellectuels trop vertueux et éloignés des dures réalités du monde, dont toutes les expérimentations du socialisme utopique furent des échecs,

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VIII - Le Marxisme

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L'échec de la lutte contre la misère ouvrière par la voie pacifique du socialisme utopique ouvre la voie au socialisme totalitaire.

Marx a marqué l'histoire par sa compréhension des mécanisme de contrôle du pouvoir, à tout les niveaux de la société : politique, économique, social, culturel, que ce soit religieux ou idéologique. Contrairement aux philosophes antérieurs, pour qui la sagesse consiste à comprendre les pulsions de la mécanique humaine pour les surmonter, Marx décortique la mécanique du pouvoir, non pour s'en libérer, mais au contraire pour l'optimiser dans le but d'instaurer un pouvoir totalitaire absolut.

Marx a aucun moment n'a développé une réflexion pour améliorer le sort au quotidien des prolétaires. Il instrumentalise la misère ouvrière dans le seul but de prise du pouvoir par la "révolution prolétarienne". 

Le but de Marx est d'instaurer un capitalisme d'Etat dominé par la bourgeoisie intellectuelle anti-capitaliste, où les prolétaires seraient soumis à des exigences de productivité encore plus élevées, mais qui seraient convaincus de travailler pour leur propre intérêt et celui de la collectivité par l'aliénation de la propagande idéologique. 

Fin observateur de l'histoire, Marx a compris qu'une révolution ne peut aboutir que lorsque la classe sociale économiquement émergente qui aspire à prendre le pouvoir a su développer des valeurs identitaires suffisamment fortes pour défier les valeurs de la classe dominante, ce qu'il résume en "conscience de classe".

Au XVIIIe siècle, la Révolution Française est une prise du pouvoir par une bourgeoisie intellectuelle (avocats, journalistes) , qui en prenant conscience de ses valeurs, a évincé les valeurs en déclin de l'Aristocratie et de l'Eglise de l'ordre de l'Ancien Régime.

Au XIXeme siècle, la nouvelle classe sociale émergente est constituée d'un prolétariat de plus en plus nombreux et miséreux. Marx, qui a connu une certaine pauvreté, avait une réelle connaissance de la culture ouvrière. Plus que les autres leaders du socialisme totalitaire issus de la bourgeoisie intellectuelle,  Marx est celui qui a le plus contribué à faire émerger une culture ouvrière identitaire à l'intérieur même du monde ouvrier. Cette montée en puissance de cette culture ouvrière fière et conquérante a été alimentée par le désir de revanche sociale. Comme toutes les idéologies totalitaires, le Marxisme s'est construit sur le ressentiment et la promesse d'une revanche.  

La principale contribution de Karl Marx est d'avoir démontré que les sociétés ne changeaient que sous la pression de rapports de forces entre classes sociales. Paradoxalement, c'est Karl Marx qui est de façon indirecte à l'origine des Etats providences modernes, obligeant le libéralisme économique à prendre enfin compte certaines des exigences du libéralisme politique du socialisme utopique, non pour des raisons morales mais par crainte du communisme. 

 

L'école néo classique de la deuxième révolution industrielle

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Un siècle après les fondateurs de l'école classique, l'école néo-classique, contemporaine de la deuxième révolution industrielle (chemins de fer), est confrontée aux crises récurrentes du XIXème siècle. Elle doit reconstruire l'économie politique sur de nouvelles bases, notamment à partir de la notion de l'utilité marginale qui explique que le prix d'un produit peut être déconnecté de la valeur du travail qui a été nécessaire pour le produire. Dans un contexte du triomphe du scientisme, les néo-classiques cherchent à donner une légitimité scientifique à l’économie, en faisant appel aux mathématiques.

Alors même que l'école néo classique se pare d'un vernis scientifique, elle fait de la notion de "main-invisible", concept purement statistique de l'Ecole Classique, un dogme quasi-religieux comparable à celui de la "génération spontanée".

 

Après le contrat social de Thomas Hobbes (1588-1679), les notions de liberté et de limitation du pouvoir de l'Etat de John Stuart Mill (1806-1873), l'Etat providence au service de la liberté de Béatrice Webb (1858-1943), Milton Friedman (14912-2006) incarne la quatrième révolution libérale, avec une remise en cause des excès de l’Etat providence.

Les modèles des économies asiatiques émergentes ne donnent pas la priorité à la démocratie et au social, mais à la méritocratie et à la formation.

 

 

 


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