Leonid Hurwic (1917-2008)
Prix Nobel 2007
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I - Biographie
1945 : Leonid Hurwicz rédige un compte rendu critique du livre fondateur de la Théorie des Jeux « GameTheory and Economie Behavior », de von Neumann et Morgenstern
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II - Théorie des mécanismes d'incitation
L'Académie royale suédoise des sciences indique que la théorie des mécanismes d'incitation "permet de distinguer les situations dans lesquelles les marchés fonctionnent bien de celles où les marchés fonctionnent mal" et tente d'améliorer l'efficacité des processus concurrentiels, dont M. Hurwicz a réaffirmé la supériorité sur toute forme de planification centralisée. "Elle a aidé les économistes à identifier les mécanismes d'échange efficaces, ceux des modèles de régulation et des procédures électorales".
La théorie de conception des mécanismes est une déclinaison de la théorie des jeux, moyen de déterminer quel est le meilleur mécanisme d'attribution d'un bien privé afin de maximiser les profits des acheteurs et des vendeurs.
La théorie a été développée dans un premier temps par le professeur Hurwicz, qui en pose les fondations dans les années 1960.
Par la suite, les deux autres chercheurs nobélisés Maskin et Myerson l'ont améliorée dans les années 1970 et 1980.
2.1 - Les asymétries d'information
L'information cachée ou anti-sélection
L'offreur a plus d'informations sur la qualité que celui qui achète.
Sur certains marchés (ventes aux enchères, immobilier), l'acheteur peut avoir plus d'informations sur le prix du marché que l'offreur.
Il y a anti-délection, car :
- l'offreur peut tromper l'acheteur sur la qualité, ou au contraire l'acheteur peut refuser la transaction en sous estimant la qualité de l'offre qui lui est proposée.
- l'offreur peut se tromper sur le prix réel du marché
auto-sélection : l'offreur ou l'acheteur se retire de la transaction
- L'offreur signale à l'acheteur qu'il sous estime le prix ou la qualité
- L'acheteur signale à l'offreur qu'il sur-estime le prix ou qu'il n'a pas confiance dans la qualité de ce qui lui est proposé d'acheter.
Le comportement du vendeur conduit à la révélation de l’information cachée
Par exemple sur le marché de l’emploi, en révélant des choix de formation différents, des candidats à un emploi signalent aux employeurs potentiels une information cachée sur leurs aptitudes.
L’action cachée ou risque moral : l'un des agents économique manque d'observations sur le comportement de l'autre agent avec qui il a une relation économique.
Ce type de situation se retrouve dans de nombreux cas : assurance, qualité des produits, effort au travail…
Une solution possible est de mettre en place des incitations pour réduire le risque moral : primes sur les résultats pour encourager l'effort au travail, primes d'assurances en l'absence de sinistres, franchises pour décourager la déclaration de petits accidents.
2.2. - Les contrats
Un contrat est un accord proposé dans une situation d’information asymétrique dans un univers risqué, par :
- un agent appelé le principal
- à une autre partie contractante appelée l’agent
Le contrat détermine les actions à effectuer par les cocontractants pendant une certaine période temporelle, en fonction de signaux vérifiables par une tierce partie.
Cette démarche se rencontre dans de nombreux domaines économiques : contrats d’assurance, contrats de travail, contrats d’endettement…
Les fonctions d’un contrat sont essentiellement au nombre de quatre :
- révélation de l’information
- incitation à l’effort
- partage des risques
- affectation du comportement des tiers dans une perspective de relations stratégiques.
2.3 - Les incitations
Les incitations sont des variables économiques que l’on inclut dans les contrats pour orienter les agents dans le sens souhaité par le principal.
Les incitations permettent au principal (l'offreur) de faire révéler par l'agent (l'acheteur) une information
2.4 - La théorie économique des incitations
La théorie économique des incitations a pour objet la mise en évidence des processus par lesquels peuvent être minimisés dans les contrats les désavantages afférents aux deux grandes catégories d’asymétries d’information (information cachée et action cachée).
La théorie des incitations a pour objet l'étude des moyens employés par "le principal" pour inciter des "agents" qui disposent d'une information privée à la lui révéler.
Les incitations en économie publique
Les incitations face à l’anti-sélection visent à révéler une information cachée. Le principal propose à l’agent un choix d’options et l’agent répond par un message ; l’option incitative peut devenir une option révélatrice.
Les incitations face au risque moral visent à révéler une action cachée. Le principal vise à maximiser son espérance d’utilité sous une double contrainte :
- contrainte de participation de l’agent (la proposition du principal doit être acceptable par l’agent )
- contrainte d’incitation pour l’agent (la proposition du principal doit prévoir une règle de paiement ou de rémunération adéquate, dépendant de signaux vérifiables informant sur le niveau d’effort de l’agent).
Exemple de démarche incitative en économie publique :
- Le développement d’une théorie des incitations pour les politiques d’achats publics et la réglementation par J.J. Laffont et J. Tirole
- la redéfinition des systèmes de tarification (enrichissement de la règle de M. Boiteux sur la gestion des monopoles publics soumis à la contrainte budgétaire)
- la réforme des principes d’adjudication des enchères publiques
- la définition de principes de réforme de l’Etat et de la gestion publique dans une optique de performance
La réforme de l’Etat et de la gestion publique dans une optique incitative
J.J. Laffont a présenté en 1999 les modalités d’une réforme de l’Etat et de la gestion publique qui dépasse l’analyse traditionnelle de l’Etat correcteur des mécanismes de marché.
Un Etat promoteur de mécanismes incitatifs a deux voies de réformes.
- Chaque fois que sont réunies les conditions d’un marché concurrentiel, une marchéïsation de l’activité publique peut aider à résoudre les problèmes d’incitation et de corruption.
- Dans les autres cas il faut mettre en place des mécanismes de contre-pouvoir pour limiter l’action des groupes d’intérêt.
J.J. Laffont présente dans ce sens vingt et un principes de gouvernance de l’Etat. On se bornera à noter :
- rémunérations des agents publics en fonction de leur performance
- arbitrage par un système incitatif, entre efficacité et rentes informationnelles (information cachée) et entre partage du risque et efficacité de l’effort (action cachée)
- action de l’Etat afin d’empêcher la capture des régulateurs publics
- arbitrage entre coûts de coordination, information et incitation pour tout gouvernement structuré en plusieurs niveaux de décision.
L’approche de l’économie des asymétries d’information, contrats, incitations est importante sur le plan théorico-analytique : elle a eu ainsi reçu deux fois le prix Nobel en Economie en 2001 et 2007. Elle est aussi importante sur le plan opératoire car elle a inspiré les réformes de l’Etat de nombreux pays occidentaux depuis deux décennies. Elle inspire aussi les réformes actuelles de l’Etat et de la gestion publique en France.
Cette réforme est à l’évidence indispensable et urgente …mais pourquoi faudrait-il admettre la recherche de l’intérêt individuel comme moteur et projet de l’activité publique ; pourquoi faudrait-il admettre que les incitations éviteront effectivement la capture des régulateurs par suite du seul jeu de l’interaction stratégique des intérêts des régulateurs et des régulés ? L’Etat ne perd-il pas sa spécificité en devenant essentiellement un prestataire de services non-marchands en voie de marchéïsation ? La crise actuelle ne nous rappelle-t-elle pas le rôle régulateur - réglementateur de l’Etat dans un univers ou de simples incitations semblent bien incapables de faire face aux désordres macroéconomiques actuels ?
Mesurer l'acquiescement à un bien public par l'effort financier que sont prêts à payer les contribuables
Si les contribuables déclarent être prêts à payer chacun une contribution personnelle, qui au total permettra de financer le projet, le bien public est socialement souhaitable.
Le passager clandestin compte sur les autres pour réduire son apport personnel
Le passager clandestin est le contribuable qui sera pleinement bénéficiaire du bien public, mais minimise sa contribution en comptant sur les autres pour financer le projet.
https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2007-6-page-873.htm#
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