Léon Walras (1834-1910)
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Néo-Classique Ecole de Lausane
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La théorie de l'équilibre général
Les marchés (biens, travail, financier) peuvent trouver simultanément leur équilibre dans une situation de plein emploi de tous les facteurs de production, si on laisse converger chacun de ces marchés vers son prix d'équilibre (salaires, prix, taux d'intérêt).
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I - Filiation de la pensée de Léon Walras
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Adam Smith (1727-1790) | .. | Jean-Baptiste Say (1767-1832) | .. | Augustin Cournot (1801-1877) | |
La valeur travail | L.a loi des débouchés |
L'offre et la demande |
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Léon Walras (1834-1910) |
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Vilfredo ¨Pareto (1848-1923)
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Contrairement à la démarche de l'Ecole Classique qui part de la production (valeur travail), Léon Walras considère que c'est l'échange (valeur d'utilité marginale) qui est au coeur du système économique.
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II - Biographie
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16 Décembre 1834 : Léon Walras né à Évreux. Il est le fils d’Antoine-Auguste Walras, normalien et professeur de philosophie qui a un grand intérêt pour l'économie et lui fait découvrir les écrits de Cournot.
Formation
1844 : Collège de Caen
1850 : Lycée de Douai
1851 : Diplômé bachelier-ès-lettres
1853 : Bachelier-ès-sciences. La même année, il échoue au concours d'entrée à l’École polytechnique. Malgré une préparation en mathématiques et cours d’analyse, il est refusé une seconde fois.
1854 : Il est reçu élève externe à l’École des Mines de Paris, mais il n’a pas d’intérêt pour la formation d’ingénieur et il abandonne cette école. Il se tourne sans succès vers une carrière de publiciste, de critique d'art et d'écrivain.
Les débuts de Walras en économie
1858 : Léon Walras s'engage dans la voie de la recherche en économie politique.
Antoine-Augustin Cournot, un condisciple de son père Auguste, joua aussi une influence cruciale en ce qu’il lui inculque le rationalisme à la française et l’usage des mathématiques en économie.
Il travaille en tant que salarié dans une banque privée, caisse d'Escompte, jusqu'en 1968.
1859 : Son premier ouvrage économique "L'Économie politique et la Justice" est une critique sévère des thèses de Proudhon.
1860 :
- Il collabore au Journal des économistes et à La Presse.
- Il participe au congrès international de l’impôt réuni à Lausanne.
- Il répond au concours du canton de Vaud sur la question de l’impôt, en formulant la théorie de l’attribution de la terre et de la rente foncière à l’État. Il reçoit la quatrième récompense.
1966-1968 : Rédaction du journal Le Travail, revue du mouvement coopératif.
Léon Walras professeur d'université de Lausanne
En 1869, la faculté de droit de l’Académie de Lausanne souhaite instituer une chaire d’économie politique. Se souvenant du mémoire de Walras présenté en 1860, elle lui propose de se présenter au concours. Il y répond en manifestant son intention de créer l’école mathématique qui est son objectif depuis 1860.
1870 : Il est nommé professeur à la chaire d’économie politique de l’Université de Lausanne, où il enseignera jusqu'en 1892.
1871 : Willian Stanley Jevons en Grande-Bretagne et Carl Menger en Autriche décrivent chacun de leur côté, comment les valeurs marchandes des biens dépendent des évaluations subjectives qu'en font les consommateurs. Ils utilisent pour cela les concepts d'utilité et de rareté, fondant la "théorie de la valeur marginale". Jevons, qui veut faire des mathématiques une science "exacte", démontre l'équilibre en l'offre et la demande, mais sa démonstration se limite à deux biens.
1874 : Publication de la principale oeuvre de Léon Walras, Eléments d'économie politique pure ou théorise de la richesse sociale.
Léon Walras trouve une démonstration d'équilibre général pour plusieurs biens. Il conforte ainsi, en leur donnant une base mathématique, les thèses d'Adam Smith et de Say, selon lesquelles en l'absence de monopoles, le marché assure une allocation efficace des ressources quand les individus ont une information parfaite sur les prix et les quantités disponibles des biens.
5 Janvier 1910 : Léon Walras s'étteint en Suisse, à Clarens.
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III - La pensée de Léon Walras
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3.1 - Walras reformule la théorie de la valeur
La valeur utilité
Walras abandonne la vision classique de la valeur travail, qui correspondait à la société de pénurie de XVIIIe siècle, et lui substitut la valeur utilité, plus pertinente dans la société industrielle du XIXe siècle.
L'utilité marginale
La valeur d'un bien découle non pas de l'utilité totale du bien, mais de son utilité marginale
Avec William Jevons, Carl Menger, simultanément mais indépendamment d’eux, il crée le concept d’« utilité marginale » au sein de la théorie de la valeur, qui donnera naissance au paradigme du marginalisme.
Au sein de ce qu’il convient d’appeler la « révolution marginaliste », tant les concepts sont novateurs par rapport à la théorie classique, il fonde l’École de Lausanne encore appelée walrassienne en son honneur. On peut distinguer trois écoles issues du marginalisme :
- L’École de Lausanne, avec Léon Walras et son successeur, Vilfredo Pareto
- L’École de Vienne, avec Carl Menger
- L’École de Cambridge, avec William Jevons
Il a travaillé sur l’équilibre général concurrentiel en micro-économie.
La valeur marginale permet d'expliquer le paradoxe d'Adam Smith "de l'eau et du diamant" :
- L'eau est bon marché parce qu'elle est abondante. Prélever un nouveau litre d'eau dans la rivière est gratuit et une fois que l'on n'a plus soif, un litre d'eau supplémentaire n'a aucune valeur. L'utilité marginale de l'eau est nulle.
- Le diamant est cher parce qu'il est rare. Trouver un nouveau diamant représente un coût de production élevé et le diamant restera rare après sa découverte. Son utilité marginale est élevé.
L'utilité marginale est décroissante
La valeur utilité n'est pas une valeur morale
Léon Walras explique pourquoi la valeur utilité n'est pas une valeur morale dans sa troisième leçon des « Éléments d'économie politique pure » :
« Je dis que les choses sont utiles dès qu'elles peuvent servir à un usage quelconque, dès qu'elles répondent à un besoin quelconque et en permettent la satisfaction. Ainsi, il n'y a pas à s'occuper ici des nuances par lesquelles on classe, dans le langage de la conversation courante, l'utilité à côté de l'agréable entre le nécessaire et le superflu. Nécessaire, utile, agréable et superflu, tout cela, pour nous, est plus ou moins utile. Il n'y a pas davantage à tenir compte ici de la moralité ou de l'immoralité du besoin auquel répond la chose utile et qu'elle permet de satisfaire. Qu'une substance soit recherchée par un médecin pour guérir un malade ou pour un assassin pour empoisonner sa famille, c'est une question très importante à d'autres points de vue, mais tout à fait indifférente au nôtre. La substance est utile, pour nous, dans les deux cas, et peut l'être plus dans le second que dans le premier ».
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3.2 - Le marché concurrentiel assure la régulation du système économique
Walras recense 3 types de marché : biens et services - travail - capital
Le marché de Concurrence Pure et Parfaite repose sur 5 caractéristiques
- L'atomicité de l'offre et de la demande : tous les acteurs économiques sont semblables et interchangeables, ils n'ont aucune influence sur les prix, c'est le prix du marché qui s'impose à eux.
- L'homogénéité des produits (le concept de marketing n'existe pas dans le marché de concurrence pure et parfaite walrassien)
- Pas de coûts d'entrée sur un marché (pas de blocages réglementaires, techniques, financiers)
- Transparence du marché : tous les acteurs du marché disposent d'une information complète (quantités de l'offre et de la demande, prix)
- La fluidité du marché par la mobilité des facteurs de production : les acteurs économiques peuvent abandonner une activité en déclin pour une autre en croissance (pas de contraintes de formation)
Le marché de concurrence économique pure et parfaite est un concept qui ne cherche pas à décrire un marché qui n'existe pas, mais au contraire d'expliquer pourquoi les marchés sont imparfaits dans la réalité.
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3.3 - Une situation d'équilibre sur chaque marché permet la réalisation de l'équilibre général
Le système des prix permet d'équilibrer les quantités offertes et les quantités demandées
Les prix permettent l'équilibre sur chaque marché et contribuent à la réalisation de l'équilibre général
Tous les marchés sont interdépendants. L'équilibre sur le marché du travail (niveau de salaire qui assure l'équilibre sur le marché du travail) et sur le marché du capital (niveau du taux d'intérêt qui assure le prix d'équilibre sur le marché du capital) occasionne l'équilibre sur le marché des biens et services.
La loi de l'équilibre général de Léon Walras s'inscrit dans le prolongement de la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say.
Léon Walras explique "la main invisible" d'Adam Smith par un processus de tatonement des acteurs économiques individuels qui statistiquement conduit au prix d'équilibre sur chaque marché.
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3.4 - Pour une intervention dans l'Etat dans les domaines économiques où il serait plus efficace que les entreprises
- Existence de monopoles naturels : gestion de l'eau, des carrières, des chemins de fer
- Pour la nationalisation des terres : la concentration des exploitations agricoles par l'Etat permettrait d'assurer l'autosuffisance alimentaire et les revenus des terres agrcoles permettrait de supprimer les impîts et taxes sur les entreprises.
- Régulation étatique de la création monétaire
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3.5 - Léon Walras "socialiste scientifique"
Léon Walras se définissait lui même comme un "socialiste scientifique".
Il fut un promoteur actif et engagé des différentes formes d’associations populaires (coopératives ouvrières de production, coopératives de crédit, coopératives de consommation). Il se déclara sur le plan politique comme étant socialiste.
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V - Limites de la pensée de Léon Walras
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Les hypothèse du marché de concurrence pure et parfaite sont trop loin de la réalité
- L'atomicité de l'offre du début du XIXème siècle a disparue avec la montée en puissance d'entreprises géantes.
- Les agents économiques ne sont pas rationnels
- Asymétrie de l'information
- Les grandes entreprises qui arrivent à se différencier par leurs produits peuvent imposer des prix élevés au marché (apple, voitures allemandes, produits de luxe)
- Les barrières d'entrées s'élèvent avec le progrès technique (il faut plus de capital) et la montée en puissance des entreprises géantes bénéficiant de monopoles économiques ou politiques (connivance de la haute bourgeoisie avec le pouvoir politique).
Les postulats du marché de concurrence économique pure et parfaite ne prétendent pas à décrire un marché qui n'existe pas, mais au contraire d'expliquer pourquoi les marchés sont imparfaits dans la réalité.
Cependant, cette vision d'un marché "idéeal" est totalement opposée à la réalité de la Seconde Révolution Industrielle, qui voit la montée en puissance d'entreprises géantes, qui bénéficient de monopoles économiques (posotions dominantes sur un marché) ou politiques (connivence des plus grandes fortunes avec les responsables politiques dont elles financent la carrière).
Au XXIeme siècle, la croissance ne dépend pas du capital et du travail (qui n'ont jamais été aussi abondant), mais de l'innovation et de l'énergie (qui se raréfie).
Selon Alfred Marshal, la valeur d'un bien est déterminée à court terme par la demande (valeur utilité), puis par l'offre (coûts de production).
L'économiste britannique Alfred Marshal (1842-1924), dans Les principes de l'économie politique (1890) considère que l'offre d'un bien est fonction des coûts de production (vision objective de la valeur travail de l'Ecole Classique), alors que la demande d'un bien est déterminée par l'utilité (vision subjective de l'utilité marginale des néoclassiques).
A court terme, les capacités de production ne peuvent être modifiées (capitaux, équipements, stocks de produits finis) ; c'est donc l'intensité de la demande qui détermine la valeur des biens.
A plus long terme, les entrepreneurs ont la possibilité de moduler les capacités de production ; les coûts de production sont alors déterminants dans la formation des prix qui génèrent alors la valeur des produits.
Edward Chamberlain estime que la concurrence peut également exister sur un marché imparfait.
L'économiste américain Edward Chamberlin (1899-1967) dans la théorie de la concurrence monopolistique (1933) avance l'idée d'une concurrence monopolistique. Coca et Pepsi constituent un duopole, mais leurs deux produits restent substtituables.
Galbraith oppose la réalité du système industriel moderne aux postulats fondamentaux des économistes Néo-Classiques
L'économiste américain John Kenneth Galbraith (1908-2006) constate que les marchés sont de plus en plus oligopolistiques, pouvant imposer des prix administrés au marché.
"En se développant, le système industriel a détruit les mécanismes du marché qui étaient autrefois sa caractéristique principale" (ref : Tout savoir ou presque de l'économie - 1978)
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VI - Héritage
Les économistes néo-walrassiens (Kenneth Arrow) développent le courant de pensée initié par Léon Walras à l'école de Lausanne..
John Hicks, Oskar Lange (1904-1965), Maurice Allais et Paul Samuelson essaieront d'élargie le système walrassien en donnant un rôle plus ou moins correcteur à l'Etat.