Histoire de l'économie

I - L'économie antique

1.1   Pas de pensée économique dans l'Antiquité

1.2   L'étatisme protecteur égyptien (-3150 à - 1078)

1.3   L'affairisme babylonien (-2340 à -1150)

1.4   Le commerce maritime phénicien ( -1200 à -800)

1.5   L'empire maritime commercial des Grecs (-800 à -338)

1.6   Le monde Hellénistique : la première mondialisation (-338 à -323)

1.7   Le monde romain (-202 à +410)

1.8 - L'Empire Romain d'Occident fragmenté en royaumes germains fédérés (410 - 476)

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1.1 Pas de pensée économique dans l'Antiquité

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L'approche de l'économie durant toute l'Antiquité a été uniquement empirique. En Egypte, une réglementation très poussée permettait à l'administration d'organiser la production, la distribution et le stockage. Babylone a inventé les contrats commerciaux établis par des notaires et un système de poids et mesures, repris par la plupart des peuples de l'Antiquité. Les Grecs ont créé la société par action.
Les civilisations de l'Antiquité se sont dotées "d'outils économiques", mais à aucun moment elles n'ont développé une réelle "pensée économique" pour comprendre les mécanismes de création de richesses au sein de leur société.

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1.1 - L'étatisme protecteur égyptien (-3150 à -1078)

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Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - pages 15 et 16.

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L'exceptionnelle fertilité de l'Egypte suppose le concours des hommes. Il faut faire et renouveler constamment d'immenses travaux pour retenir l'eau et le limon....

Il faut également édicter des règlements pour la consommation de l'eau, qui est rationnée. Ces nécessités expliquent déjà en partie l'absolutisme, trait caractéristique de l'organisation politique de l'Egypte.

En outre des travaux publics et des règlements, le pouvoir est également propriétaire d'une grande partie des moyens de production.

L'Etat dirige aussi la répartition et la consommation. Il prélève une part, ordinairement élevée, de la récolte, et l'entasse dans des dépôts, greniers, magasins, situés jusque dans les plus petits villages, ou dans des "villes d'approvisionnement" ....

Le roi vend très cher ce qu'il a emmagasiné, mais lui et ses administrateurs se considèrent comme tenus d'assurer la subsistance de chacun.

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1.2 - L'affairisme babylonien (-2340 à -1150)

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Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 16.

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Comme en Egypte, une grande production agricole permet de faire vivre des villes importantes, dont les habitants ne sont pas cultivateurs.

La prospérité de la Mésopotamie, aussi grande qu'en Egypte, est plus fragile, car la crue des deux fleuves, qui se produit au printemps, est brève et très violente.

Pour consolider sa puissance, la Mésopotamie s'est tournée vers le commerce, développant l'initiative individuelle, un système de poids et mesures repris par la plupart des peuples de l'Antiquité, les contrats commerciaux établis par des notaires.

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1.3 - Le commerce maritime phénicien (-1200 à -800)

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Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 18.

De -1200 à -800 av J.C., les phéniciens développent le commerce maritime en Méditerranée. Les forêts de cèdres et de sapins du Liban fournissent le bois de construction des navires. Leurs ports s'échelonnent avec régularité tous les 20 ou 30 kilomètres le long de la côte africaine de la Méditerranée, ouvrant un comptoir dans un quartier des villes avec lesquelles ils commerçaient ou en créant leur propre port.

Grands navigateurs, les phéniciens transportaient les marchandises des autres peuples, leurs propres productions étant peu originales.

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1.4 - L'empire commercial maritime des Grecs (-800 à -338)

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1.4.1 Le monde Grec : de grands philosophes sans réelle vision économique

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Une culture qui privilégie l'abstraction intellectuelle et méprise le travail manuel

Toute la pensée de l'élite Grecque se focalise sur l'organisation de la Cité : la politique et le droit pour renforcer la cohésion interne de la Cité, la guerre pour défendre la Cité contre les attaques extérieures.

L'élite Grecque méprise le travail manuel de la ferme, des mines et des ateliers, confié aux classes les plus basses et aux esclaves. Ayant une vision purement intellectuelle du monde, elle délaisse l'expérimentation concrète pour la métaphysique, qui a pour seul objet la connaissance de l'être (esprit, nature, Dieu, matière… ), ce qui existe « au-delà » du monde physique, indépendamment de l’expérience sensible que nous en avons.

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Source : Aldo Schiavone - "Le Destin brisé. la Rome antique et l'Occident moderne, traduction française , Paris, Belin, 2003 - cité dans le livre de Daniel Coen "La prospérité du vice" page 35

"Entre connaissance et transformation de la nature, le passage était bloqué, un abîme même se creusait. L'accumulation technologique était ignorée. L'ignorer était la revanche d'une pensée libre des contraintes passées".

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Le dialogue entre Alexandre le Grand (356-323) et le philosophe Diogène (412-323) illustre cette supériorité, dans la culture grecque, de la pensée des philosophes sur la force physique, même celle du plus grand conquérant de l'Antiquité.

De passage à Corynthe, Alexandre croise Diogène allongé sur un banc, pour prendre le soleil. Le vieux philosophe ne daigne pas se lever et feint de ne pas connaître son illustre visiteur.

« Je suis Alexandre
- Et moi Diogène, le cynique
- Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai
- Alors : ôte-toi de mon soleil
- Comment ? N'as-tu donc pas peur de moi ?
- Et alors : Qu'es-tu donc ? Un bien ou un mal ?
- Un bien évidemment !
- Qui donc, pourrait craindre le bien ? ».

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Diogène se considère comme un homme libre. il ne craint pas Alexandre, dont le père Philippe II, roi de Macédoine, a soumis à son autorité l'ensemble des Cités Grecques. Comme tous les autres Grecs, Diogène considère les Macédoniens comme un peuple semi-barbare, dont la liberté ne peut dépendre que de la force physique. Pour le philosophe Grec, être libre c'est le refus de la soumission, non vouloir dominer les autres.

Alexandre connaît l'impasse de l'abstraction intellectuelle des Grecs. Les Macédoniens sont peut être moins philosophes que les Grecs, mais ce sont eux qui ont amélioré la phalange et ont créé l'armée la plus moderne de leur époque pour conquérir l'ensemble des Cités grecques.

Mais Alexandre, éduqué par Aristote, connaît et respecte les philosophes grecques. Il ne considère pas les paroles de Diogène comme un manque de respect, mais comme la leçon d'un vieux philosophe qui l'invite à se libérer de sa passion de domination. Loin de remettre en cause son autorité, ce dialogue avec Diogène renforce la propagande d'Alexandre pour se faire accepter par les Cités Grecques autrement que par la simple force militaire. Lorsqu'un philosophe Grec parle d'égal à égal avec le conquérant macédonien, celui-ci devient légitime aux yeux de tous les Grecs.

Par ce dialogue, Alexandre montre qu'il se comporte en souverain Grec, à l'opposé du despotisme du Roi des Rois Perse dont le pouvoir absolu ne pourrait tolérer d'être interpellé par aucun de ses sujets. Alexandre a compris que pour conquérir les Grecs la force physique ne suffisait pas, il fallait devenir soit même un Grec. Deux siècles plus tard, les Romains feront de même. Mais cette culture greco-romaine, exceptionnelle dans de nombreux domaines, comportait également des blocages culturels qui la rendait incapable de comprendre le développement économique.

Les innovations techniques ne se diffusent pas dans le domaine de la production économique

La maîtrise des mathématiques permet aux Grecs d'élaborer des techniques sophistiquées pour construire des Temples ou des machines de guerres efficaces (le levier, la vis, les poulies, les engrenages...). Mais en dehors du domaine militaire et celui des édifices religieux, il n'y a pas eu de diffusion significative de ces techniques pour des usages civils. L'élite Grecque n'avait aucun intérêt pour adapter ces innovations dans les fermes, les mines et les ateliers de production. Au contraire, l'objectif premier étant la stabilité sociale, il fallait occuper les classes inférieures et les esclaves en maintenant leurs conditions de travail ancestrales, non augmenter leur productivité.

Faire du profit est mal considéré dans la société Grecque

La civilisation Grecque se focalise sur la pensée philosophique, qui aide à définir les principaux moraux garants de l'équilibre de l'ordre social de la Cité. Les entrepreneurs et les marchands sont très mal considérés, car en s'enrichissant ils augmentent les inégalités au sein de la Cité et menacent le pouvoir de l'élite politique, militaire, religieuse et intellectuelle.

Il n'y a pas de pensée économique pour organiser le développement et la création de richesses, car pour les Grecs cela serait développer une réflexion fondée sur l'égoïsme et dont l'amoralité. Il n’y a donc pas d’économistes à cette époque, néanmoins, certains philosophes réfléchissent à cette question, dans la mesure où elle s'inscrit dans une réflexion philosophique et morale relative à la place de l'individu au sein d’un groupe, et à la nécessité d’accomplir un travail pour subsister.

 

Condamnation morale du prêt-à-intérêt

Aristote condamne les prêts usurier à la consommation, qui à son époque ruinaient les petits agriculteurs (Solon, archonte en -594, avait déjà mis fin à l'esclavage pour dettes).

Source : L'Economie Antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je ? n° 1155 - 1981

« L’argent ne devrait servir qu’à l’échange ; et l’intérêt qu’on en tire le multiplie lui-même, comme l’indique assez le nom que lui donne la langue grecque (*). Les pères ici sont absolument semblables aux enfants. L’intérêt est de l’argent issu d’argent, et c’est de toutes les acquisitions celle qui est la plus contraire à la nature. »

(*) En Grec, le mot Grec "tokos" pour intérêt veut dire "accouchement", "descendance"

Le concept de "monnaie d'échange", instrument au service de la collectivité

Les grecs sont les premiers à considérer que la monnaie n'est pas la propriété individuelle du prince : en tant que moyen d'échanges elle appartient à la collectivité, qui seule peut en définir le statut.

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Platon (-427 / -347) ébauche une pensée collectiviste

Dans la République, Platon imagine un société organisée sous une forme proche du communisme, sans propriété privée, avec une division du travail très rigide, où chaque homme est spécialisé dans une activité (contrairement à la société romaine, les femmes n'ont pas leur place dans la cité grecque). Les classes inférieures doivent travailler, activité jugée méprisable par les classes supérieures, qui s'occupent des taches "nobles" que sont la philosophie, la politique et la guerre.

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Aristote (-384 / -322 ) juge préférable une société de petits propriétaires privés, vivant de leur auto-consommation et dédaignant les biens superflus.

Aristote, qui a été l'élève de Platon, rompt avec l'enseignement de son Maître. Il considère que la propriété privée est synonyme de paix sociale, car les hommes ne prennent pas soin de ce qui ne leur appartient pas directement. Ainsi, on ne peut faire reposer une société sur la mise en commun des biens.

Aristote opère une distinction entre "l’économie", fondée sur l'agriculture, l’autoconsommation et le travail nécessaire pour acquérir les biens de première nécessité, de la chrématistique, fondée sur l'argent et la consommation de biens superflus. Aristote rejoint Platon en considérant que le but même de la vie ne doit pas être l’accumulation de richesses.

L’activité économique doit donc se limiter à la satisfaction des besoins familiaux, et ne pas rechercher l’enrichissement, sans quoi elle remet en cause l’ordre naturel.

Une pensée philosophique lucide sur la nature humaine

Aristote constate que les hommes, contrairement à ce qu'ils prétendent ou croient, ne sont pas guidés par l'intelligence ou la vertu, mais que le désir est "l'unique force motrice".

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1.4.2 - L'échec économique des Grecs

L'humanisme Grec a généré des individus extrêmement entreprenants, prêts à affronter les forces de la nature et à défier les Dieux. Les Grecs se sont libérés du fatalisme des civilisations précédentes pour prendre leur destin en main, mais à aucun moment ils n'ont cherché à comprendre le monde par l'expérimentation. Focalisés sur la compréhension des mécanismes de la pensée humaine, ils ont inventé la philosophie. Mais ils ne se sont pas intéressés au fonctionnement des sociétés humaines, il n'y a pas eu de sociologues, ni d'économistes.

Dépourvus d'une réelle réflexion économique, les philosophes grecques se sont limités à une critique des excès des individus abusant de ce système (prêts usuraires, spéculation, accaparement, richesses excessives fragilisant les bases morales et politiques de la société.... ) sans pour autant chercher à comprendre et améliorer les bases économiques de la civilisation Grecque, dont ils étaient les premiers à bénéficier.

Le dynamisme des Grecs a créé une période de prospérité sans lendemains, faute d'une pensée économique pour créer de nouvelles richesses

L'organisation politique des grecs a fédéré les énergies individuelles pour construire l'empire maritime d'Athènes, puis l'immense empire d'Alexandre à la base de la première mondialisation. Dans un premier temps, la puissance et le dynamisme de l'organisation administrative Grecque permet de développer le commerce international, de lancer des grands travaux d'irrigation et de construction. Les échanges commerciaux permettent de fluidifier et optimiser la production.

Mais après une période de réelle amélioration du niveau de vie, le dynamisme économique finit par s'épuiser, faute d'une pensée économique pour créer de nouvelles richesses au delà des seuls échanges de marchandises. Le peu de considération pour les entrepreneurs créateurs de richesses détourne les esprits les plus brillants vers les carrières politiques ou militaires. La pratique de l'esclavage a pour conséquence l'absence d'innovations technologiques et une faible productivité.

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Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 20

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Après avoir eu recours aux Phéniciens pour le transport des marchandises en méditerranée, les Grecs développent leur propre flotte. A partir du VIIIe siècle av J.C. les Grecs reprennent la mer Egée aux Phéniciens.

Contrairement aux Phéniciens, qui se contentaient de créer des ports sans arrières pays lorsqu'ils ne pouvaient disposer d'un comptoir dans une ville partenaire, les Grecs ont créé d'importantes colonies de peuplement.

Dans l'opinion des philosophes, seuls les individus méprisables et sans scrupules se consacrent au commerce, activité qui englobe le vol et la piraterie.

En Grèce, l'économie est essentiellement rurale, constituée par les petites propriétés de la grande masse des citoyens travaillant dans les campagnes et des domaines des classes supérieures, exploités par leurs esclaves.

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Athènes vit du commerce et importe le blé de Grande-Grêce (Italie du Sud) et du Pont-Euxin (Mer Noire). Pour payer ces achats, la Grèce exporte surtout du vin, de l'huile, les produits de ses ateliers de céramique et de sa métallurgie.

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Un système de financement des investissements d'une grande modernité

Source : L'Economie Antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je ? n° 1155 - 1981

Le monde Grec perfectionna les système de financement des investissements pour créer et développer une entreprise ou monter une expédition maritime.

En matière commerciale, le taux d'intérêt est couramment d'une drachme par mine, autrement dit 1 % par mois. Il s'y ajoutait, sous le nom un peu postérieur d'anatocisme, les intérêts composés. Ce loyer de l'argent est encore élevé (à une époque où l'inflation était faible), mais il est en baisse sensible par rapport à ce qu'il était autrefois à Babylone.

Il existait en matière maritime un prêt spécial grevant le navire et sa cargaison. En cas de naufrage, l'emprunteur était exonéré de toute dette. Mais si le navire parvenait à bon port, il devait, en sus du capital, des intérêts pouvant s'élever à 30 % pour un voyage de 7 mois, beaucoup plus en temps de guerre. Ce taux excessif, justifié par les risques, englobait en quelque sorte une prime d'assurance.

Solon ayant établi la liberté de constituer des sociétés, celles-ci furent nombreuses à Athènes. Elles y jouissaient de ce que nous appellerions la personnalité morale, fait rare sinon presque unique dans l'Antiquité. On y inventa, au moins pour une mine du Laurion, un mode de participation qui fait penser à la société en commandite par actions : nombreux furent les Athéniens à être titulaires d'une ou plusieurs "actions" de cette société minière, dirigée par un nommé Epicratés.

Une nouvelle puissance apparaît à Athènes : la banque. Les banquiers sont souvent des étrangers, métèques ou affranchis ; aussi sont-ils ordinairement mal vus et Aristote déclare : "Le métier de manieur d'argent est justement haï."

Les banquiers sont avant tout des changeurs, indispensables du fait du foisonnement des étalons monétaires. Ils reçoivent d'autre part en dépôt les fonds de leurs clients et, conséquence logique, se chargent des paiements et des recouvrements pour leur compte. Enfin les banquiers pratiquent des prêts ou, plus généralement, participent à des entreprises diverses et deviennent de grands brasseurs d'affaires. l'accumulation des capitaux est parfois impressionnante, et pas seulement à Athènes.

La grande mobilité des capitaux, continuellement investis dans de nouveaux placements, eut pour corollaire la spéculation. Il existait à Athènes et ailleurs de véritables petites bourses de commerce qui ne différaient des nôtres que par l'absence de réglementation..... Très tôt on songea aussi à s'enrichir par l'accaparement : vers 585 le fameux mathématicien Thalès, de Milet, qui avait inventé la météorologie, prévoyant une bonne récolte d'olives, acheta ou loua tous les pressoirs à huile et réalisa ainsi une fortune. Au cours des guerres, certains achetaient tout le fer disponible ; d'autres, devant les menaces de disette, raflaient tout le grain.

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Le législateur athénien se montre très libéral, sauf pour le commerce des grains dont il prohibe l'accaparement et l'exportation. Pour tout le reste, il se borne à assurer l'honnêteté des affaires en édictant un droit commercial simple et en contrôlant poids et mesures. Dans un Etat aussi petit, les droits de douanes, infimes, ne peuvent tendre à aucune espèce de protectionnisme.

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L'agriculture grecque délaisse les céréales et l'élevage pour le vin et l'huile

Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 39.

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La production, au lieu de la consommation immédiate et directe, est destinée au commerce. On se mit dès lors à négliger la culture de céréales, parce que l'importation permettait d'en avoir à meilleur marché. La place ainsi libérée fut prise par les cultures arbustives, arbres fruitiers et surtout vigne et olivier. Cette substitution avait des avantages : le vin et l'huile se vendaient bien, et ces arbustes fixent le sol raviné par les orages.

Ces transformations entraînèrent d'abord un gros essor agricole. La culture devient plus intensive. L'élevage tend à disparaître. Des défrichements sont effectués. L'assolement remplace souvent la mise en jachère. Maint auteur - plus de 50, dira Varon - traite des questions d'agronomies.

Mais la pauvreté même de la Grèce (*) fait déserter sa terre dès que les frontières sont ouvertes. Bien des Grecs s'expatrient, souvent pour devenir mercenaires dans les armées des rois de Perse ou d'Egypte. On se plaindra bientôt de la diminution de la population et l'agriculture va finir par tomber en décadence faute d'agriculteurs.

(*) Les exportations de vin et d'huile d'olive profitent aux propriétaires les plus riches, qui étendent leurs domaines. Les terres des petits propriétaires sont trop peu fertiles pour vivre correctement de la production de céréales ou de l'élevage. Ils sont concurrencés par les produits d'importation et les esclaves des grands domaines.

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La métallurgie du fer fait la force des hoplites et de l'industrie grecque

L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 38

La métallurgie du fer, jusque là assez exceptionnelle, devient courante dès avant 600 et des inventions la facilitent : soudure à Chios, nouveaux procédés de fonte à Samos. Le fer, moins cher, permet d'équiper des hoplites en grand nombre, d'où une démocratisation du métier militaire qui ne manquera pas d'avoir des répercussions politiques.

Avec la céramique, les produits de la métallurgie furent les principaux produits d'exportations.

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1.5 - Le monde hellénistique : la première mondialisation (-338 à - 323)

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Avec la conquête de l'Empire Perse par Alexandre, le monde hellénistique entre en contact avec l'Afrique Orientale, l'Inde, la Bactriane (Turkestan), d'où partent les routes commerciales vers la Chine.

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L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 49

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Dans l'ex Empire perse, les Grecs trouvent beaucoup de choses nouvelles : un espace immense, avec des régions, comme l'Egypte ou la Mésopotamie, douées de ressources prodigieuses ; une population nombreuse, obéissante, mais apathique ; la monarchie absolue, qui permet le dirigisme. ils y trouvent enfin d'énormes réserves d'or et d'argent, jusque-là thésaurisées dans les palais, qui sont immédiatement dilapidées, ce qui provoque un essor comparable à celui de l'Europe du XVIe siècle, submergée de numéraire à la suite de la découverte de l'Eldorado.

Dans ces pays conquis, les Grecs apportent d'abord leur dynamisme, leur esprit d'entreprise et d'initiative ; ensuite, leurs méthodes commerciales et bancaires, l'abondante circulation monétaire.

Les Grecs exécutent ou font exécuter de grands travaux : réparation des digues, curage des canaux ensablés d'Egypte et Mésopotamie. Ils font dessécher de vastes espaces dans le Fayoum, autour du lac Moeris.

La navigation s'étend jusqu'à l'Afrique orientale, l'Arabie et l'Inde. De Séleucie, les routes ou les pistes rayonnent vers le golfe Persique, l'Inde, ou vers la Perse et la Bactriane (Turkestan), en direction de la Chine.

Alexandre avait adopté la drachme athénienne pour tout son empire. Mais l'unité monétaire ne survit pas à la mort d'Alexandre et le partage de son Empire entre ses généraux. :

  • La Grèce de Cassandre et l'empire Séleucide de Séleucos (Syrie, Iran) conservent la drachme athénienne.
  • L'Asie mineure de Lysimaque adopte la drachme de Rhodes.
  • L'Egypte de Ptolémée crée sa propre monnaie.

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Le déclin de la Grèce concurrencée par les pays neufs

Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 51

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Pour la Grèce continentale et insulaire, cette période, si brillante ailleurs, est celle du déclin. Déjà commencé avant Alexandre, il continue et s'aggrave. Sa cause essentielle est la concurrence des pays neufs. Il n'atteint pas le commerce, mais la production, et provoque des secousses sociales.

Le paupérisme agraire s'étend. Criblés de dettes, les paysans vendent leurs terres. La grande propriété en profite pour se reconstituer, mais les grands domaines, mal cultivés, retournent souvent à la pâture, voire à la lande ou à la broussaille.

Les contemporains se plaignent de la dépopulation. il est de fait que bien des filles sont "exposées", c'est à dire abandonnées à leur naissance. Dès qu'ils parviennent à l'âge adulte, bien des hommes émigrent et deviennent soldats ou clérouques (soldats agriculteurs appelés pour fonder une colonie militaire) au-delà des mers.

Les revendications traditionnelles de partage des terres et d'abolition des dettes prennent un accent particulier de violence. A Sparte, en 241, le roi Agis abolit les dettes, mais est aussitôt massacré. Le parti oligarchique appelle à l'aide la Macédoine, puis Rome.

Le déclin agricole et la dépopulation de la Grèce entraînent à leur tour un déclin des industries.

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L'Etatisme spoliateur des Ptolémées épuise les ressources de l'Egypte

Source : L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 52

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En Egypte, le dirigisme ou étatisme y est infiniment plus poussé qu'ailleurs. C'est une vieille tradition du pays, mais il atteint alors son paroxysme, sans doute à cause de la superposition de deux couches sociales : des gouvernés indigènes d'une grande passivité, et des Grecs très dynamiques, qui les exploitent à outrance. L'étatisme de ceux-ci n'a absolument plus aucun but social, mais uniquement mercantiliste et fiscal. Il s'agit de remplir la caisse du roi, de lui fournir des ressources qui seront consacrées à une politique de grandeur et de conquêtes dans le monde hellénistique.

L'Etat est propriétaire de la plupart des moyens de production et d'échange : d'une grande partie des terres ; d'un gros cheptel ; de nombreuses entreprises : mines, carrières, salines, ateliers, pêcheries. Il est propriétaire aussi de certains instruments de travail, notamment tous les outils en fer, qu'il prête ou loue aux artisans. Autre moyen encore : des prêts d'argent ou de semences. Il a le monopole des semences de graines oléagineuses, et les cultivateurs sont obligés de les lui emprunter.

L'Etat se réserve d'innombrables monopoles d'achat, de vente, d'entreposage des denrées.

Le contrôle prend d'effrayantes proportions. Il y a toute une armée de surveillants.

Tout ce réseau est complété par la responsabilité solidaire. Dans les villages, lorsque des cultivateurs, las de toutes ces tracasseries, prennent la fuite, ceux qui restent sont responsables de la production des absents et les terres abandonnées sont réparties d'office entre eux. Les fonctionnaires sont également responsables : les quantités imposées doivent être réalisées coûte que coûte, sous peine d'avoir à compléter la différence à leur frais. Bien entendu, ils se rattrapent sur les assujettis et leur pression va, en cas de besoin, jusqu'aux sévices et aux tortures.

Dans les décennies qui suivent la prise du pouvoir par le général Ptolémée à la mort d'Alexandre, en -323 av J.C. les surfaces cultivables s'étendent, une partie du Fayoum est à nouveau asséchée. Des productions nouvelles sont introduites. mais ces progrès ne profitent guère qu'au roi et aux colonisateurs gréco-macédoniens. Les terres asséchées dans le Fayoum sont loties à des "clérouques", soldats cultivateurs grecs et macédoniens. la laine n'est achetée que par les Grecs d'Egypte ou exportée vers la Grèce. Les importations ne sont faites qu'au profit des Grecs. Quant aux indigènes, ils vivent en autarcie des produits du pays.

Les cultivateur et les pêcheurs n'ont plus aucune initiative et subissent contraintes, pressions administratives, surveillances tracassières et coups de bâton. S'ils n'ont pas les avantages de la libre entreprise, ils ne peuvent pas non plus avoir l'insouciance des salariés, car ils demeurent responsables de l'exploitation et subissent tous ses risques. Ce régime inhumain provoque une résistance sourde dans la population.

Après une période brillante, l'économie égyptienne s'effondre dès la fin du IIIe siècle, ainsi que la stabilité politique. La crise financière est permanente. La monnaie est dévaluée. Le commerce alexandrin décline. Les travailleurs, dégoûtés des conditions qu'on leur impose, abandonnent les terres et disparaissent dans la campagne et le sable commence à recouvrir une partie des villages du Fayoum.

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Pendant un siècle, les Ptolémées accumulent d'immenses richesse en spoliant à outrance les richesses du pays et en exploitant la population, y compris les cultivateurs d'origine gréco-macédonienne. Mais leurs spoliations et leurs exactions finissent par détruire les bases économiques et politiques de leur pouvoir et de leur prospérité.

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1.6 - Le monde romain (-343 à +410)

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De -343 av J.C. (guerre contre les Samnites) à +177 ap. J.C. (règne de Trajan), l'expansion de l'Empire Romain est financée par les butins des conquêtes successives.

A partir du IIIème siècle, l'Empire est sur la défensive et puise dans ses réserves. Au Vème siècle, complètement fossilisé et dévitalisé, l'Empire d'Occident s'écroule lorsqu'il est submergé par les invasions barbares. 

Les patriciens détruisent les bases économiques de la Rome Républicaine

Abus de l'exploitation de la conquête

Vainqueurs, les Romains se livrèrent à une exploitation brutale et cynique non seulement des vaincus, mais aussi de certains de leurs alliés.

De véritables troupeaux d'esclaves sont dirigés sur l'Italie : 150.000 en -167 après la victoire sur la Macédoine, 50.000 en 146 après la prise de Carthage. C'est à ce moment que se constitue la société "esclavagiste", caractéristique des siècles qui vont suivre.

Sur les provinces occupées par l'armée romaine ne tardait pas à s'abattre toute une nuée d'exploiteurs.

C'étaient d'abord des commerçants, negociatores, mal distincts des usuriers venus offrir leurs services aux cités écrasées d'impôts et de contributions de guerre. Quand ils n'étaient pas remboursés, ils obtenaient le concours de toute la force romaine pour saisir les biens et réduire les débiteurs à l'esclavage.

Les publicains (percepteurs d'impôts) versaient immédiatement à l'Etat une somme forfaitaire et se chargeaient du recouvrement de l'impôt, sans aucune limites. Il n'y avait aucune possibilité de recours contentieux, car le juge que désignait le gouverneur était régulièrement un autre publicain.

Les gouverneurs de province et leurs adjoints se livraient à toutes les prévarications et concussions, arrachant tout ce qui tombait à portée de leurs mains. Ils y étaient amenés par leur recrutement même : magistrats romains ruinés par les dépenses démagogiques de leur campagne électorale, ils allaient refaire fortune dans une province, au détriment de ses habitants. Les verdicts des procès contre les abus des gouverneurs dépendaient uniquement du fait que le jury était composé d'amis ou d'ennemis de l'accusé. C'est seulement sous l'Empire qu'une surveillance efficace fut établie.

Pour Rome, cette exploitation est la source d'énormes revenus. Dès -167, les Romains, ayant mis la main sur le fabuleux trésor du roi de Macédoine, purent supprimer les impôts directs qu'ils payaient et ne les rétablirent jamais. Le budget de l'Etat doubla d'un coup, passant de 100 à 200 millions de sesterces après l'annexion du royaume de Pergamme vers -130. Pompée se vanta de l'avoir porté à 340 millions après la conquête de la Syrie en -63.

Mais les biens des provinces sont pillés, et une partie des travailleurs emmenée en esclavage. C'est la ruine partout. La population de la Sicile est réduite en 3 ans de plus de 40 %. La conquête romaine a stérilisé bien des richesses, sans parler de villes puissantes comme Corinthe ou Carthage entièrement rasées avec les industries qui s'y exerçaient.

L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 52

Ruine du soldat paysan Romain, base économique de la puissance militaires de la République.

Les guerres puniques (-264 à -146 a J.C.) ruinent le peuple des soldats-paysans romains, qui n'ont pas pu entretenir leurs terres pendant qu'ils étaient dans l'armée. Les sénateurs achètent à bas prix les petites propriétés des soldats paysans romains et expulsent ces citoyens libres pour les remplacer par une multitude d'esclaves, fournis par la victoire sur Carthage.

Ruinés par les guerres, la concurrence des pays neufs et celle de la main d'oeuvre servile les citoyens soldats-paysans romains vendent leurs terres aux patriciens.

En Italie, les riches terres cultivées par les soldats paysans romains sont remplacées par d'immenses domaines, vides d'hommes et peu exploités, propriétés de quelques sénateurs devenus immensément riches. Le peuple des soldats-paysans romains se trouve clochardisé dans Rome, qui devient une immense ville improductive et de taille disproportionnée par rapports aux ressources de l'époque.

La concurrence du blé venu des territoires conquis et des latifundia du centre et du sud de l'Italie n'offre aucune perspectives aux petits propriétaires, au point que la République ne trouve plus assez de candidats pour repeupler les anciennes colonies détruites au cours de la guerre. Malgré des offres de plus en plus avantageuses pour inciter les réfugiés qui s'entassent à Rome pour partir dans une colonie, ceux ci préfèrent vivre de l'assistanat et du clientélisme, dans une capitale enrichit par l'afflux du butin des conquêtes.

-133 à -123 : Les Gracques veulent rétablir les bases politiques et économiques de la puissance romaine en donnant aux soldats paysans romains les terres dont ils ont besoin pour faire vivre leurs familles. Les Sénateurs romains refusant cette réforme font assassiner les Gracques.

-73 à -71 av J.C. : La révolte de Spartacus traduit la faillite politique de la République Romaine, qui devient dépendante de légions composées non plus de l'ensemble des membres de la Cité, mais de soldats de métiers. L'armée romaine devient de plus en plus puissante, mais se transforme en une entité coupée du reste de la société.

Les cultivateurs découragés qui quittent la campagne échouent sur le pavé de Rome, mais n'y trouvent aucun travail et deviennent des chômeurs irrécupérables. Ils vont constituer la tourbe des bas quartiers, constamment agitée, prête à tous les coups de main et à toutes les guerres civiles.

La loi Sempronia frumentaria, votée sur la proposition de Caius Gracchus, organisait toute une politique de transport et de stockage du blé et donnait le droit à tout citoyen romain de recevoir une certaine quantité de blé à un prix officiel, donc réduit. Elle fut renouvelée et perfectionnée à plusieurs reprises aux alentours de 100, puis de 78. En 58, on décida que les citoyens recevraient le blé gratuitement. Le résultat en fut que les quelques cultivateurs qui restaient dans les campagnes les quittèrent pour venir vivre à Rome sans travailler. Des maîtres affranchirent leurs esclaves afin que ceux-ci, devenus citoyens romains, fussent nourris par l'Etat. César,vers 45, trouva 320.000 bénéficiaires des distributions gratuites, à peu près un citoyen romain sur trois ; il les réduisit à 150.000, mais leur nombre recommença à augmenter, et l'Empire héritera du problème sans trouver mieux la solution.

Sylla, vers 80, puis César en 59 firent adopter chacun une loi agraire. Ce ne sont plus des mesures sociales, mais partisanes. Les terres ne sont plus prélevées sur ceux qui en possèdent trop, mais sur leurs adversaires politiques frappés de proscription et sur les cités italiennes qui s'étaient alliées à eux. Les bénéficiaires des distributions ne sont plus les pauvres, mais les vétérans vainqueurs des guerres civiles. La loi agraire de Sylla eut un plein succès : 120.000 de ses soldats furent casés. les autres ne réussirent que médiocrement. Les nouveaux colons, faute de cheptel et d'expérience, faute aussi sans doute du désir sincère du retour à la terre, préférèrent pour beaucoup revenir à Rome, où ils reprenaient leur place dans ce milieu politique dégénéré, prêt à toutes les aventures.

L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 84

Baisse de la population en Italie

Sur les latifundia peu productive des aristocrates romains, la culture est faite par des esclaves, réduits au minimum vital au sens le plus strict de l'expression, et maintenu dans le célibat pour éliminer les bouches inutiles.

Les familles des soldats-paysans romains ont été expulsés de leurs terres ancestrales. Dans le meilleur des cas, ils sont sélectionnés pour aller fonder une colonie dans les nouvelles provinces conquises. Sinon, ils trouvent refuge à Rome, qui devient une ville sur dimensionnée par rapport aux ressources de l'époque. Dans les quartiers pauvres, la mortalité est très élevée à cause des nombreux crimes et de l'insalubrité (les insulae étaient les immeubles de rapports où vivaient dans les étages supérieurs les familles des plus pauvres). Les guerres incessantes provoquent des hécatombes. De nombreux soldats paysans romains sont tués dans les guerres de conquêtes. Plus graves , les guerres civiles tuent un très grand nombre de femmes en age de donner naissance à des enfants à la République.

Les pays neufs étouffent l'économie italienne

Si le pillage des pays conquis enrichissait l'aristocratie romaine, il ne profitait pas au plébéiens. Selon le même processus que précédemment en Grèce, l'Italie subissait la concurrence des greniers à blé extérieurs : Sicile, Gaule cisalpine, Espagne, Afrique carthaginoise, Pont-Euxin.

Les cultivateurs italiens abandonnent le blé au profit des cultures arbustives : vigne, olivier, arbres fruitiers.

Ruinés par les guerres incessantes qui les tient éloignés et la concurrence de la main d'oeuvre servile, ils finissent par vendre leurs terres, qui sont immédiatement achetées par les riches. Ainsi s'établissent d'abord en Italie du Sud, ravagée par la longue occupation punique, puis ailleurs, les vastes domaines latifundia, dont Pline écrira plus tard qu'ils ont perdu l'Italie.

Dans le monde méditerranéen en train de s'unifier, toute la partie occidentale fait figure de pays neuf, exportant les matières premières et important d'Orient les produits fabriqués. Mais dans cette partie occidentale, Rome se distingue en ce qu'elle n'exporte même pas ses matières premières : elle n'exporte pratiquement rien et l'Italie pas grand chose, tandis qu'elle importe non seulement des objets fabriqués, mais aussi des denrées alimentaires. Le déficit est comblé par les impôts, les tributs, l'usure des prêts, c'est à dire que Rome paie ses achats dans les provinces avec l'argent qu'elle leur extorque. Elle vit richement sans rien produire d'utile, et son économie est malsaine.

L'économie antique - Jean-Philippe Lévy - Que sais-je 1981 - page 82

Alors que l'économie des provinces conquises est stimulée par la fondation des colonies et des villes militaires romaines, en Italie les individus les plus dynamiques partent à l'étranger.

Les aristocrates romains disposent d'une main d'oeuvre surabondante et à vil prix. Pour l'occuper, ils bloquent toute innovation technique.

Beaucoup trop nombreux, la concurrence des esclaves a réduit au chômage la classe moyenne des soldats-paysans romains.

Rome invente la société des loisirs, où cohabitent des aristocrates immensément riches et la masse du peuple réduit en grande majorité à l'assistance publique. Les seules activités économiques sont la construction, les loisirs (Thermes, jeux du Cirque) et l'Administration.

-67 av J.C. : la destruction des pirates par Pompée sécurise le commerce maritime.

-49 av J.C. : En traversant le rubicond, les légions de César n'obéissent plus au Sénat mais à leur chef : la République romaine est politiquent morte.

-44 av J.C. : Les sénateurs "républicains" assassinent César, pensant empêcher toute remise en cause de leurs privilèges, comme ils avaient réussit à le faire un siècle plus tôt en faisant assassiner les Gracques. Ils accusent César d'avoir voulut mettre fin à la République, sans prendre conscience que ce sont eux-mêmes qui ont détruit les bases politiques et économiques de la République Romaine, en ruinant le peuple des soldats-paysans romains au profit d'une armée de métier qu'ils ne contrôlent plus.

Mare Nostrum : la deuxième mondialisation est dominée par des entreprises de l'Etat Romain.

En -67, Pompée est chargée de mettre fin à la piraterie en Méditerranée. La sécurisation des voies maritimes va permettre un important développement du commerce international. Contrairement à la première mondialisation d'Alexandre, limitée aux produits de luxe, le commerce international à l'intérieur de l'Empire Roman était en grande partie composé de produits de consommation courante, avec des produits issus de l'agriculture (blé, vin, huile) ou des manufactures (amphores, vaisselles, céramique, outils).

Que ce soit pour l'approvisionnement de Rome en blé venant d'Egypte ou des légions implantée le long des frontières de l'Empire, c'est l'Etat qui était à l'origine de la plus grande partie des flux de marchandises à l'intérieur de l'Empire.

L'âge d'Or du Haut Empire

-27 av J.C. : Auguste met en place une nouvelle organisation impériale, tout en maintenant la légalité républicaine. L'administration de l'Empereur contrôle les légions et les conquêtes de Césars prennent le statut de provinces "impériales". Pacifiée et bien organisée, la Gaule devient l'une des régions romaines les plus riches. En Italie, l'agriculture et l'artisanat continuent de décliner, concurrencés par une multitudes d'esclaves peu productifs. Les Sénateurs s'enrichissent toujours plus, notamment en spoliant les provinces sénatoriales dans lesquelles ils se sont faits nommés gouverneurs par leurs pairs.

Rome devient une immense ville improductive d'un million d'habitants, vivant du clientélisme politique de l'Empereur et des Sénateurs, qui distribuent pain et jeux à volonté. La capitale de l'Empire est le centre du monde romain, qui va du mur d'Hadrien en Ecosse à la frontière de l'empire Parthe en Asie, mais important tout et n'ayant rien à exporter. L'économie privée se limite aux produits de luxes pour les patriciens. L'essentiel de l'activité économique est organisée par l'administration impériale, dont la plus importante pour assurer la paix sociale est l'importation de blés en provenance d'Egypte.

Jusqu'en 117, l'extension de l'Empire permet de financer les légions, l'administration et les infrastructures romaines (voies, acqueducs, thermes, écoles), d'entretenir le million d'habitants de Rome dans l'oisiveté et d'enrichir les aristocraties romaines et provinciales.

De 117 à 217, malgré la fin des conquêtes, la bonne administration et la paix assurent pendant encore un siècle une certaine prospérité dans tout l'empire. Même les Empereurs fous, qui ont tyrannisé leur entourage et les Sénateurs à Rome, ont le plus souvent bien géré l'Empire.

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Les villes romaines sont des lieux de consommation et non de production

La civilisation romaine est une civilisation urbaine, mais ses villes sont avant tout des cités administratives et des lieux de consommation. La production manufacturière est importante, mais elle se fait à la campagne, dans les propriétés des patriciens ou les propriétés de l'Etat.

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Le Bas Empire : dépérissement d'une économie de plus en plus rigidifiée

217 : L'assassinat de Caracala par le Préfet du Prétoire met fin à la Pax Romana et à la prospérité de l'Empire. Désormais, Rome deviendra totalement dépendante de ses légions, de plus en plus indisciplinées, tout en absorbant une part de plus en plus importante du budget impérial.

284 : Dioclétien arrive à rétablir une autorité impériale et à reprendre en main les légions. Mais l'empire s'est considérablement appauvrit en 67 ans d'anarchie, dévasté par les guerres entre les légions et les invasions barbares.

Faute d'une pensée économique pour stimuler la création de richesses à l'intérieur même de l'Empire, la pression fiscale s'accroît pour financer un budget militaire de plus en plus important. Pour que les habitants de l'Empire ne puissent échapper aux impôts, les métiers deviennent héréditaires et la population est fixées sur son lieu de naissance.

L'économie romaine totalement rigidifiée se met à dépérir : les villes se rétractent à l'intérieur de murailles étroites, l'artisanat décroît, le commerce international s'effondre et l'économie redevient locale, centrée sur les immenses domaines ruraux de l'aristocratie.

Avec l'effondrement de l'économie, les recettes fiscales baissent alors que les dépenses militaires ne cessent d'augmenter, jusqu'à absorber la quasi-totalité du budget impérial : il n'y a plus d'argent pour entretenir les infrastructures de l'Empire, voies, aqueducs, thermes, amphithéâtres, écoles, fonctionnaires..

Face à des barbares de plus en plus puissants, le métier de légionnaire est devenu très dangereux, sans espoirs de butin, mal payé et moins bien considéré que les supplétifs barbares. Pour pallier à l'absence d'engagés volontaires, le métier de légionnaire devient lui aussi héréditaire. Le niveau de combativité des légions romaines s'effondre : démotivation, indiscipline, formation militaire médiocre, légionnaires chrétiens qui refusent de se battre, désertions. Les empereurs font de plus en plus appel aux supplétifs barbares pour défendre les frontières et réprimer les populations qui se révoltent contre la trop forte pression fiscale et le contrôle social de l'Etat qui les prive de toute liberté individuelle. Les forces militaires de l'Empire sont vues par les populations comme des forces d'occupation qui se rémunèrent par le pillage, en multipliant les viols et les meurtres sur les citoyens romains en toute impunité.

La culture greco-romaine considérait que le travail était une activité indigne, réservée à la plèbe et aux esclaves : le mot latin tripaliare signifie contrainte. Le déclassement des citoyens romains, remplacés dans les campagnes par les esclaves et dans l'armée par le recrutement de barbares fédérés, a étouffé tout esprit d'innovation technique : l'arc des cavaliers Huns était techniquement très supérieur à celui des armées romaines.

Pas de diffusion des innovations technologiques dans la société romaine

Jusqu-à la fin de l'antiquité, on a ignoré l'usage de ferrer le cheval ainsi que le harnais. Aussi le cheval était réservé à un usage militaire, il ne pouvait tirer ni poids lourds ni charrues. Les trans ports terrestres est resté secondaire par rapport au transport fluvial et maritime.

L'Empire d'Occident fragmenté en royaumes germains "fédérés" (410 - 476)

De façon symbolique, on date la fin de l'Empire Romain de la prise de Rome par Alaric en 410.

Mais, même si Rome, capitale de l'Eglise, restait en 410 la plus grande ville du monde, son déclin était bien antérieur :

En 476, le Patrice Odoacre dépose le dernier Empereur Romain d'Occident, Romulus Augustus.

Les Vandales, les Suèves et les Alains sont de véritables barbares, qui ne cherchent qu'à piller une province avant de s'attaquer à la suivante. Cette sauvagerie les conduits à leur propre perte, car ils détruisent les ressources qui leur permettraient de survivre.

Les peuples germains fédérés à l'armée impériale (les Francs depuis 286, les Wisigoths depuis 376) sont en partie romanisés. Ils comprennent le fonctionnement de l'Empire et disposent des réseaux politiques et familiaux pour s'y intégrer. Ils ne cherchent pas à détruire l'Empire, mais à s'approprier une partie de ses recettes fiscales. Pour cela, ils ont besoin d'une délégation du pouvoir impérial. C'est ainsi que se met en place une alliance entre l'aristocratie romaine et les troupes fédérées composées de guerriers germains, pour écraser d'impôts l'immense majorité de la population de l'Empire.

Les Francs constituent un royaume fédéré au Nord de la Gaule, les Wisigoths en Aquitaine et en Espagne, les Ostrogoths en Italie. Les Burgondes prennent le statut de fédérés pour pouvoir rester dans la partie de la Gaule qu'ils ont envahit, ce qui donnera naissance au Royaume de Bourgogne.

Au nom de l'unité de l'Empire les troupes des romains fédérés organisent la répression contre les populations des territoires qu'ils contrôlent et chassent les peuples barbares.

Les Wisigoths massacrent les Alains et refoulent les Vandales, qui ont absorbé ce qui reste des Alains, en Afrique du Nord.  Après le départ des Vandales, les Suèves s'installent en Galicie en prenant le statut de fédérés.

Au nom de l'Empereur, les guerriers germains fédérés écrasent d'impôts et brutalisent les populations des territoires qu'ils ont sous leur contrôle. Opprimée et dans l'impossibilité de se révolter, l'immense majorité de la population de l'Empire sombre dans le désespoir, ce qui facilite la diffusion du Christianisme.

Pour conserver un pouvoir qui lui échappe, l'Empereur Romain d'Occident s'appuie sur les guerriers germains fédérés comme forces de répression militaire et sur l'Eglise Catholique comme force de répression morale. Mais ces mêmes forces de répression, physique et morale, accélèrent le processus de décomposition de l'Empire Romain d'Occident :

Les peuples germains fédérés ne sont intéréssés que par le maintient de l'administration militaire et de l'administration fiscale de l'Empire Romain. Ils laissent à l'ambandon toutes les infrastructures de l'Etat Romain, qui tombent en ruine :  acqueducs, voies romaines, ports, canaux, thermes, théatres, cirques, bâtiments publics, bibliothèques, musées, écoles, construction navale, manufactures, mines .....  Constituant une aristocratie militaire, ils abandonnent définitivement toute activité intellectuelle à l'Eglise, qui propage son obscurantisme religieux et détuit la civilisation antique.  Il n'y a plus d'historiens, de philosophes, de mathématiciens, de scientifiques, de médecins...... L'architecture sera l'un des rares domaines à continuer à innover, avec la construction de milliers d'églises.

En 476, lorsque le Patrice Odoacre dépose le dernier Empereur d'Ociident Romulus Augustus et renvoie les insignes imériaux à Constantinople, il ne fait que prendre acte de la disparition de l'Empire Romain d'Occident après plusieurs décennies de décomposition.

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