Frédéric Bastiat (1801-850)
Français
Précurseur de l'école Autrichienne et de l'école des choix publics
"L'Etat, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde."
Economiste, homme politique et polémiste libéral français. Entré tardivement dans le débat public, il marque la France du milieu du XIXe siècle en prenant part aux débats économiques : il collabore régulièrement au Journal des économistes et entretient une polémique virulente avec Proudhon. Élu à l'Assemblée, il participe à la vie politique française en votant tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite.
Il développe une pensée libérale, caractérisée par la défense du libre-échange ou de la concurrence et l'opposition au socialisme et au colonialisme. Il est considéré comme un précurseur de l'école autrichienne d'économie et de l'école des choix publics.
Frédéric Bastiat est un libéral-social, se distinguant des sociaux-libéraux pour qui l'intervention de l'Etat est incontournable pour réduire la pauvreté et mettre en oeuvre une véritable redistribution sociale
I - Biographie
Claude Frédéric Bastiat à Bayonne, fils d'un négociant aisé.
1808 : Décès de la mère de Frédéric Bastiat, lorsqu'il a 7 ans.
1810 : Décès du père de Frédéric Bastiat lorsqu'il a 9 ans. L'enfant est élevé par les grands-parents paternels.
1818 : Il quitte l'école à 17 ans pour rejoindre le commerce familial. Selon Thomas DiLorenzo c'est ce qui lui permettra de bien connaître les mécanismes essentiels du marché. Sheldon Richman constate également qu'il grandit dans le contexte des guerres napoléoniennes marquées par un fort interventionnisme étatique.
1822 : Devient garde des sceaux de la loge maçonnique Zélée.
1823 : Devient orateur de la loge maçonnique Zélée.
1831 : Elu conseiller général et juge de paix du au .
1840 : Long voyage en Espagne, au Portugal et en Angleterre. Frédéric Bastiat entre en contact avec les libéraux anglais partisans du libre échange, notamment Richard Cobden qui milite pour l'abolition des corn laws.
1844 - 1850 : Frédéric Bastiat économiste et pamphlétaire
Dans sa jeunesse, il lit le Censeur Européen, journal créé par Charles Dunoyer, qui donnera, selon ses propres termes, la direction de ses études et de son esprit.
Économiste et pamphlétaire, sa carrière publique dure à peine 6 ans.
1844 : Il débute par des articles dans le Journal des Économistes. Sa première contribution au Journal des économistes défend le libre-échange et fustige les politiques colonialistes. Il critique vivement l'interventionnisme étatique et les socialistes qui veulent déresponsabiliser le citoyen et vivre des rentes de la dépense publique et de l'exploitation des forces productives de la nation.
1846 :
Crée et devient rédacteur en chef d'un journal en faveur du libre échangiste publié à Paris, et fait paraître plusieurs ouvrages dans lesquels il combat à la fois le système prohibitif et le socialisme.
Elu membre correspondant de l'Institut de France.
Fonde à Bordeaux l'Association pour la liberté des échanges.
1848 : Élu député des Landes à l'Assemblée constituante.
1849 : il est réélu. Soutien du pouvoir en place, il se range aux côtés de Cavaignac. Il goûte peu aux questions de politique pure pour ne s'intéresser qu'à l'économie : à l'Assemblée, il devient vice-président de la commission des finances. Siégeant à gauche, il vote selon les lois pour les conservateurs ou pour les socialistes. Il s'en justifie dans une profession de foi électorale de 1849 : « On a rapproché mes votes de ceux de l'extrême gauche. Pourquoi n'a-t-on pas signalé aussi les occasions où j'ai voté avec la droite ? »
À l'Assemblée et en dehors, il n'a de cesse de combattre le protectionnisme et le socialisme, ainsi que de promouvoir le libre-échange et les droits de l'individu. Il sera en particulier l'un des plus fervents défenseurs des idées de Richard Cobden et les ligues anti Corn Laws. Il créa l'Association pour la liberté des échanges et écrit un livre sur Richard Cobden.
1849 : "Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas".
Les effets visibles d'une politique économique (argent injecté dans l'économie par une hausse des dépenses publiques) peuvent avoir des effets à long terme contraires à l'intention initiale (baisse des dépenses des contribuables dont les revenus ont été ponctionnés par la hausse des impôts).
1850 : Parution des Harmonies économiques, ouvrage dans lequel il développe ses idées libérales fondées sur le respect des droits individuels.
Il contracte la tuberculose durant le tour de France qu'il avait entrepris pour promouvoir les idées libérales.
Ne pouvant plus siéger régulièrement à l'Assemblée, il part en Italie pour tenter de se rétablir.
: Frédéric Bastiat meurt à Rome à 49 ans, déclarant sur son lit de mort que son ami Gustave de Molinari est son fils spirituel. Il est inhumé en l'église Saint-Louis-des-Français de Rome.
Un prix annuel, le prix Bastiat, est décerné en sa mémoire par le International Policy Network ; il récompense un article de presse illustrant et défendant les libertés économiques et sociales.
II - Pensée économique de Frédéric Bastiat
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Frédéric Bastiat est considéré comme un précurseur de l'Ecole Autrichienne de Vienne, dont il ébauche la doctrine
- en mettant l'individu au coeur des processus économiques
- de part sa conception subjective de la valeur
- de part sa dénonciation de toute intervention de l'Etat en économie et sa critique virulent du socialisme
- une méthode d'analyse des phénomènes économiques basée sur la praxéologie (de praxis), discipline qui se donne pour objet l'analyse de l'action humaine : juste les faits et rien que les faits, sans jugement de valeur.
Libérer l'initiative individuelle
La pensée de Bastiat est une pensée fondamentalement individualiste et libérale qui défend de manière constante la liberté de l'individu face à toute autorité :
« Il y a trop de grands hommes dans le monde ; il y a trop de législateurs, organisateurs, instituteurs de sociétés, conducteurs de peuples, pères des nations, etc. Trop de gens se placent au-dessus de l'humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s'occuper d'elle »
— Frédéric Bastiat, La Loi (1850)
Dans une lettre à Alphonse de Lamartine, il se range sous la bannière de « l'école économiste ou libérale » aux côtés d'Adam Smith, David Ricardo, Thomas Malthus, John Stuart Mill, Thomas Jefferson, Jeremy Bentham, Nassau William Senior, Richard Cobden, George Thompson, William Huskisson, Robert Peel, Destutt de Tracy, Jean-Baptiste Say, Charles Comte, Charles Dunoyer, Joseph Droz. Frédéric Bastiat mentionne d'ailleurs régulièrement Adam Smith et Jean-Baptiste Say comme les économistes qui ont nourri sa pensée, bien qu'il soit très critique à l'égard de leurs théories de la valeur et des conséquences qui en découlent. Plus proches de lui, il cite également à maintes reprises Charles Comte et Charles Dunoyer (les fondateurs du journal Le Censeur) dont il ne tarit pas d'éloges.
Frédéric Bastiat sera également influencé par Henry Charles Carey sur les questions de rente foncière. Carey accusera l'auteur des Harmonies économiques, d'avoir plagié son ouvrage Harmonies des intérêts. Accusation dont Bastiat se défend dans une lettre adressée au Journal des Économistes. À l'instar de Carey, Bastiat se montrera critique envers la théorie de la rente foncière de David Ricardo qui procède selon Bastiat de sa théorie erronée de la valeur.
D'une forte indépendance d'esprit, Bastiat déplore l'absence d'esprit critique de ses contemporains face aux grands auteurs. Il n'hésite d'ailleurs pas à mettre en cause des autorités reconnues tel que Platon, Montaigne, Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Fénelon ou Thomas More.
Echec économique de l'antiquité Greco-Romaine
il déplore également — probablement sous l'influence de Charles Comte — la trop grande admiration envers les sociétés antiques (Grèce et Rome) dont l'économie était en grande partie basée sur le pillage et l'esclavage à la période de la conquête, puis fossilisée et étouffée par la bureaucratie impériale durant le déclin du Bas Empire.
Dénonciation des "sophismes économiques" (raisonnements éronnés) des socialistes et des protectionistes
Frédéric Bastiat rédige de nombreux textes qui sont en fait des réponses aux doctrines de ses contemporains. Dans ses Sophismes économiques, il répond aux idées protectionnistes du Comte d'Argout, de Bugeaud, Saint-Cricq, Dupin, Dombasle ou Lestiboudois. Il s'attaque aux théories de Louis Blanc avec Individualisme et Fraternité et Propriété et Loi, de Victor Considerant avec Propriété et Spoliation, de Pierre Leroux avec Justice et Fraternité, de Pierre-Joseph Proudhon avec Capital et Rente, de Auguste Mimerel avec Protectionnisme et Communisme ou des montagnards avec l'État.
L'œuvre de Bastiat et notamment ses Sophismes économiques dénoncent précisément les sophismes économiques, c’est-à-dire les raisonnements économiques erronés, qui sont vecteurs de préjugés répandus, pour les réfuter par une analyse et un plaidoyer libéral.
Défense du libre-échange
Dans un style très direct, ses écrits (articles ou pamphlets) manient les comparaisons pédagogiques et les fables satiriques. Ils débusquent les principaux mythes ou sophismes entretenus autour de l'État (« cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde »), du socialisme (« la spoliation légale), de la richesse (le profit de l'un est le profit de l'autre »), de la solidarité (« il m'est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée, sans que la Liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds »), de l'impôt, de l'interventionnisme, etc. Il sait également rédiger des pamphlets ou conduire la polémique, en particulier contre Proudhon avec lequel il entretient une controverse durant 13 semaines dans le journal La voix du peuple.
La satire la plus célèbre de Bastiat (qui vise le protectionnisme) est sa pétition au Parlement français de la part des fabricants de chandelles, qui demandent à être protégés « de la compétition ruineuse d'un rival étranger », qui leur livre une « concurrence déloyale en fournissant sa lumière à des prix trop bas » (ce fournisseur est... le soleil !). Cette pétition s'achève par la demande d'une « loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, […] par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons ».
Concernant le libre-échange, il défend le libre-échange réciproquement choisi et montre également comment il est plus intéressant de pratiquer le libre-échange, même face à des pays protectionnistes. Toute protection est spoliatrice pour Bastiat, alors qu'à l'inverse le libre-échange permet un effet multiplicateur de richesses.
Contre le colonialisme
La liberté individuelle et le libre échange étant sources de prospérité, Frédéric Bastiat s'oppose à la politique coloniale de son époque qui asservit les peuples colonisés, encourage le développement de politiques protectionnistes, multiplie les rentes coloniales et augmente l'intervention de l'Etat.
Le consommateur au cœur de l'économie
Il se place du côté de l'individu consommateur et non du producteur (théorie de l'abondance contre théorie de la disette). Selon Jacques Garello, c'est le seul économiste du XIXe siècle avec Richard Cobden à préfigurer les théories du consommateur développées au XXe siècle par Ludwig von Mises, Friedrich Hayek ou Pascal Salin.
L'action de l'État limitée à ses fonctions régaliennes
Frédéric Bastiat s'inscrit dans la lignée d'Adam Smith, mais face à l'avancée des idées socialistes de son époque il ne reconnait aucune légitimité à l'intervention étatique.
- Bastiat a une vision minimaliste de l’État, qui doit seulement assurer la justice et la sécurité et laisser les individus interagir librement : « Veiller à la sécurité publique, administrer le domaine commun, percevoir les contributions, tel est, je crois, le cercle rationnel dans lequel doivent être circonscrites ou ramenées les attributions gouvernementales... Quoi dira-t-on, vous voulez réduire le gouvernement au rôle de juge ou de gendarme ? » ; « n’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième ».
- Il se positionne également pour une armée privée régie par des règles publiques.
- Frédéric Bastiat constate que l’action étatique ne défend pas l'état général, mais qu'elle n'est que le résultat des rapports de forces entre les groupes de pression. On lui doit ainsi la citation célèbre à propos de l’État: « L’État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».
- En matière économique, il insiste souvent sur la distinction entre « ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » (on parlerait aujourd'hui des coûts cachés, des coûts d’opportunité ou des effets pervers). Ce thème, élargi pour critiquer l'activité interventionniste de l’État, est développé à l'origine dans sa parabole du Sophisme de la vitre cassée :
« L’argent dépensé pour réparer une fenêtre cassée apportera du travail au réparateur ; ce dernier pourra augmenter ses dépenses, ce qui produira plus d’affaires pour d'autres. Ce qu’on ne voit pas ici, c'est que l’argent aurait aussi été dépensé, et simplement autrement, si la fenêtre n'avait pas été cassée. La fenêtre cassée a seulement détourné de l’argent vers d’autres dépenses. »
Selon Bastiat, un État peut agir parfois de la sorte en prenant aux plus actifs pour subventionner des groupes d’intérêt, des associations corporatistes ou assister les inactifs. Il souligne que cela ne créera jamais de richesses pour la société, et même que cela en détruira probablement.
L'interventionisme de l'Etat rompt l'harmonie économique
Toute intervention de l'Etat est une contrainte qui vise à avantager une partie de la société par rapport à une autre. Puisque l'intervention publique divise la société entre deux groupes, les gagnants et les perdants, ceux ci vont s'organiser pour défendre leurs intérêts au détriment de l'intérêt général. C'est donc le rapport de force qui dicte sa loi à l'action publique et non l'intérêt général.
Le collectivisme génère une nomenclatura
Dans les sociétés collectivistes, les intérêts privés sont subordonnés aux intérêts d'un petit groupe se prétendant défenseur de l'intérêt de tous. Frédéric Bastiat avait anticipé la constitution des nomanclaturas détournant la dépense publique pour leur seul profit.
Conception subjective de la valeur : précurseur de l'école Autrichienne
Frédéric Bastiat développe une conception subjective de la valeur dans la lignée de Jean-Baptiste Say et de Turgot : c'est le rapport d'échange sur le marché qui fixe la valeur des biens échangés.
Il est en opposition aux travaux d’Adam Smith ou de David Ricardo qui recherchaient un fondement objectif de la valeur à travers la valeur-travail (dans une économie de pénurie, c'est le coût en travail qui fait la valeur des biens échangés).
L’École autrichienne d'économie reprendra cette notion subjective de la valeur dans ses travaux. À de nombreux égards Bastiat préfigure d’ailleurs cette école de pensée économique : théorie du capital, théorie subjective de la valeur, praxéologie, etc.
Il est un des premiers à dénoncer les dérives possibles des futurs systèmes d'assurance maladie. Fervent défenseur des caisses de secours mutuel, il s'oppose à toute nationalisation de ce système avec force, déclarant par exemple dans ses Harmonies économiques :
« Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu’il s’attribuera. Son premier soin sera de s’emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser et, pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable. Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l’institution quand sa caisse sera alimentée par l’impôt ; quand nul, si ce n’est quelque bureaucrate, n’aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle et que feindre une maladie ce ne sera autre chose que de jouer un bon tour au gouvernement ? […] Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs, on verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours. Bref, une admirable institution sera, dès sa naissance, transformée en une branche de police. Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent, et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours, en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fonds limité préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la société. L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget. Là, rencontrant l’opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissant, et on en reculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage, jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du droit, de la propriété, de la liberté et de la justice […]. »
"Ce n'est jamais sans créer pour l'avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu'on soustrait l'individu aux conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les citoyens diraient " Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent travailler ou ne trouvent pas d'ouvrages", il serait à craindre que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des paresseux".
Défenseur du droit syndical, du droit de grève, de l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort.
Il prend également part dans le débat d'idées en combattant la peine de mort, l'esclavage (abolit par le décret d'Avril 1848) et en défendant le droit syndical. Ainsi, dans un discours sur la répression syndicale à l'Assemblée du , il déclare à propos de la législation interdisant le droit de grève : « Vous avouez vous-mêmes que, sous l’empire de votre législation, l’offre et la demande ne sont plus à deux de jeu, puisque la coalition des patrons ne peut pas être saisie, et c’est évident : deux, trois patrons déjeunent ensemble, font une coalition, personne n’en sait rien. Celle des ouvriers sera toujours saisie puisqu’elle se fait au grand jour […] ».
III - Obsolescence et limites de la pensée de Frédéric Bastiat
Le principe des intérêts harmoniques est trop obscur
Pareto souligne que le principe des intérêts harmoniques demeure obscur dans la science économique.
De nos jours, la science économique intègre la prise en compte des imperfections du marché et de la nécessité de leur régulation par l'Etat pour en garantir le bon fonctionnement.
L'échec d'une utopie : la politique sociale n'est pas une affaire d'initiative privée mais une fonction régalienne de l'Etat, au service de la prospérité de la collectivité et de la puissance économique.
Saint-Simon (1760-1825) fut le premier économiste à prendre en compte les intérêts des plus pauvres, mais il se situait hors de la pensée libérale.
Frédéric Bastiat (1800-1850) fut le premier économiste libéral à vouloir intégrer les plus défavorisés dans la prospérité économique, dans la mesure où cette prise en charge restait du domaine privé et sans intervention de l'Etat.
Dans ses Harmonies économiques, Frédéric Bastiat a parfaitement prédit les gaspillages et l'irresponsabilité collective générés par le système social de l'Administration Française. Mais contrairement à ce qu'il pensait, le Régime Social des Indépendants fonctionne encore bien plus mal.
La politique sociale n'est pas une affaire d'initiatives privées, mais de politique publique au service de l'intérêt général.
Comme l'armée, la police, la justice ou l'éducation, la politique sociale peut être considérée comme l'une des fonctions régaliennes de l'Etat.
Au XIXème, la politique sociale mise en place par Bismark s'inscrivait dans un ensemble de réformes qui avaient pour seul but de faire émerger l'Allemagne comme première puissance européenne économique et politique.
L'Allemagne "militariste" était bien plus "sociale" que la France "des Droits de l'homme" : en 1918, pour que la France puisse réintégrer l'Alsace et la Lorraine, elle a du garantir le maintien du système social de l'Allemagne beaucoup plus avancé que celui de la IIIème République. En 1945, la France n'avait toujours pas comblé son retard, car il fallut de nouveau maintenir aux Alsaciens et aux Lorrains leur spécificité dans le domaine social.
Si dans son administration la politique sociale peut être déléguée à des agences privées, seule la puissance publique peut en définir sa conception et ses buts dans l'intérêt général.