James Heckman

Prix Nobel

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Professeur d'économie à l'Université de Chicago.

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Le principal enjeu de la flexibilité n'est pas la réduction du chômage

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L'enjeu de la flexibilité est d'adapter les salariés aux mutations de l'économie

La protection de l'emploi freine le savoir technologique et rigidifie des entreprises.

Une protection rigide, comme celle qui existe en France, décourage l'innovation. Et sans innovation, il n'y a pas de progrès économique. Que les entreprises françaises puissent régulièrement se réinventer est de loin plus important pour la croissance que les modalités de leur gestion de cycle.

Le progrès technique exige le changement et sans progrès technique il n'y a pas d eprogrès social.

Les entreprise françaises cumulent le défi technique et le risque juridique

Pour ne citer qu'un exemple, les avancées informatiques qui rendent possible une production à la demande rendent obsolètes les stockages de produits finis, et entraînent le licenciement économique des employés qui s'en occupent.

Quant le droit du travail empêche de telles restructurations, il freine l'innovation. L'entreprise qui supporte ces restrictions, et qui veut néanmoins introduire de nouveaux produits ou de nouvelles procédures doit faire face à deux défis .

Le premier est un risque technologique intrinsèque à l'innovation.

Le deuxième est le risque juridique de se retrouver aux prud'hommes.

Au pire, la direction peut-être amenée à consacrer autant d'efforts à la préparation de son éventuel dossier de défense qu'à la conception de sa stratégie économique. Dans de telles conditions, il ne faut pas s'étonner si des entreprises françaises abandonnent leurs projets technologiques ou les poursuivent ailleurs.

Une économie comme celle de la France ne bénéficie pas du progrès technique de faço, homogène. Il y a des gagnants et des perdants. Dans un contexte dynamique, quant une culture de l'innovation est prévalente, l'emploi dans son ensemble progresse. Mais rien ne garantit que les embauches se feront systématiquement dans les secteurs et les régions dans lesquelles on a le plus licencié. Il n'est pas assuré que les emplois nouveaux compenseront les emplois perdus.        

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Il ne peut y avoir de flexibilité sans formation tout au long de la vie active

Une politique allant vers plus de flexibilité doit être acompagnée par des politiques d'allocation chômage, de formation et d'aide au retour à l'emploi. Les allocations doivent aider les travailleurs licenciés tant que dure leur recherche d'emploi. Un contrôle efficace s'impose pour prévenir les abus. L'intérêt général justifie que l'Etat intervienne pour assurer le bon fonctionnement du marché du travail.

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Il faut améliorer l'enseignement public pour élever le niveau de qualification

Il n'est pas non plus assuré qu'une culture d'innovation stimulera à elle seule la croissance des salaires réels. Si une partie des postes créés par le progrès technique n'est pas bien rémunérée, les salaires moyens risquent de baisser au fur et à mesure que les "bons emplois" de la vieille économie disparaissent. A cela, il n'y a qu'une véritable réponse, et elle est de long terme - l'amélioration de l'enseignement public afin que les jeunes deviennent plus aptes à décrocher des postes dont les exigences techniques sont plus élevés. 

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La rigidité du marché du travail conduit au déclin

La concurrence dans le monde d'aujourd'hui est dure. Mais ce n'est pas en s'accrochant aux emplois existants que l'on peut y faire face. C'est une illusion de penser que l'on sauve des emplois en protégeant des postes. Si la France persiste à vouloir bloquer le changement, elle verra ses marchés se rétrécir et son niveau de vie s'affaiblir. Ses concurrents en Europe et à travers le monde ne reseront pas figés dans le même erreur. C'est en encourageant une dynamique d'innovation qu'elle favorisera l'emploi et la croissance.

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source Le Monde 2 Septembre 2017

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