Pankaj Mishra
romancier
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Romancier d'origine indienne
Chroniqueur pour Bloomberg et le New-York Times Book Review
Livre "Age of Anger" Editions Penguin
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Le Point - 16 Février 2017 - Interview de Pankaj Mishra par Thomas Malher Vers la guerre civile mondialisée ?La montée des populisme ne traduit pas un "choc des civilisations", mais la frustration des classes moyennes et populaires, et la mondialisation ouvre la voie à l' "ére de a colère". Constat : Trump, le Brexit, les populismes en Europe, Poutine, les djihadistes, Erdogan, le nationalisme hindou surfent sur ue pandémie de rage se traduisant par le nihilisme, le retour à une communauté fantasmée et l'exaltation du machisme. . Thèse : Ces symptômes ne sont pas les manifestations d'un choc des civilisations, mais le signe "d'une guerre civile globale" opposant une élite cosmopolite et libérale à des masses frustrées de ne pas voir les fruits du progrès tant vanté. Prédiction : Loin d'être une crise passagère, cette colère ne va que s'accroître, car ses racines sont profondes Le programme des Lumières porte en lui le virus du ressentiment En voulant façonner des individus libres, rationnels mais soumis à la compétition et au désir mimétique, le programme des lumières porte en lui le virus du ressentiment. L'opposition entre Voltaire et Rousseau Voltaire est le chantre de la raison et du libéralisme anglo-saxon, qu'on qualifierait aujourd'hui de membre d'une élite coupée du peuple. "Voltaire voulait ces libertés pour des gens comme lui, des intellectuels dotés d'un bon réseau, des membres de la bourgeoisie et de l'aristocratie, non pour les masses.../... Sa conception de la liberté était très limitée .../... L'idéal de liberté de Voltaire n'est au départ pensé que pour une élite." Rousseau : Le rejeté de la bonne société parisienne, le paria paranoïaque qui a le premier annoncé toutes les passions négatives, colère, frustration, jalousie, que pouvais susciter la société moderne. "Rousseau a pressenti qu'une société commerciale reposant sur la compétition et le mimétisme fatiguerait et rongerait l'individu moderne de l'intérieur. Il a vu que la course à la richesse et le statut social allait cérer du ressentiment". La mondialisation a généralisé dans tous les pays la fracture entre élites mondialisées et le peuple "Mon livre ùtente d'expliquer, en se basant sur le travail de René Girard, comment, dans un monde moderne de plus en plus homogène, l'individualisme et le désir mimétique sont la clé pour la clé pour analyser une société marchande universalisée. Je cite Alexandre Herzen, le grand écrivain russe et son affirmation que la civilisation occidentale moderne est une civilisation d'une minorité privilégiée qi prend part au "festin de la vie", alors que les masses en sont les "invités indésirables". Et cette guerre civile globale ne fait que s'intensifier du fait de l'uniformisation grandissante provoquée par la mondialisation. " Le monde traverse aujourd'hui la même crise de populisme et de terrorisme nihiliste qu'à connu l'Europe libérale de la fin du XIXème siècle "Mon livre se base sur une thèse historique : les pathologies politiques qu'à connues l'Europe à la fin du XIXème siècle en réaction au libéralisme, à la démocratie et à une croissance économique irrégulière sont aujourd'hui devenues universelles. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons conu 3 décennies d'un libéralisme extrême.... / ... Que ce soit aujourd'hui l'implosion des Etats-nations en Asie ou en Afrique, le ralentissement des économies ou la hausse des inégalités en Europe, ces pathologies rappellent ce qu'on a pour la première fois observé à la fin du XIXème siècle : des démagogues promettant le renouveau d'une communauté nationale ou des terroristes anarchiques trouvant dans la violence non seulement une expérience esthétique et existentielle, mais aussi une rédemption politique. Aujourd'hui, ces pathologies sont répandues partout dans le monde. Elles touchent autant des Indiens déracinés ayant migré de zones rurales vers les métropoles, que la classe moyenne américaine délaissée par un capitalisme globalisé et opaque qu'elle ne comprend plus. Dans les deux cas, ces gens se cherchent un ennemi facilement identifiable et présent : immigrants, femmes, élites...." Le retour au communautarisme est né de la globalisation "L'ère de la mondialisation promet une citoyenneté cosmopolite pour tous, mais ne la délivre dans les faits qu'à des élites. Beaucoup se sentent donc floués. Du coup, l'attrait du concept "peuple" est à nouveau fort. Les gens recherchent une estime de soi à travers un groupe défini par l'ethnicité, la religion, la race ou la culture. Et les politiques sont à nouveau obsédés par l'idée de recréer une unité politique ou culturelle du peuple, d'exclure tous ceux qui ne devraient pas y appartenir". Plus les modes de vie se ressemblent à travers le monde, plus les nationalistes ou les intégristes insistent sur ce qui les distingue culturellement. "Freud a été particulièrement perspicace quand il a identifié le narcissisme des petites différences. Les gens insistent sur ce qui les distingue alors même qu'ils perdent, ou ont déjà complétement perdu, toute singularité. C'est le paradoxe qui explique pourquoi des personnes deviennet des fondamentalistes religieux alors même qu'elles sont sécularisées : elles se forcent à croire en quelque chose - un Dieu ou une autorité transcendantale - et finissent, en l'absence d'une foi sincère, par appliquer des règles et des interdits brutaux". Les périodes de baisse des inégalités génèrent de la frustration "Tocqueville explique que la colère des gens réclamant l'égalité grandit alors même que les inégalités diminuent....I a aussi précisé que les tumultes politiques éclatent quand les attentes et les espoirs augmentent". Les enquêtes statistiques montrent que les pays asiatiques ou africains sont très optimistes pour leur avenir. Mais "on peut se demander pourquoi, alors que les enquêtes d'opinion nous assurent de la bonne humeur de l'Asie, les Indiens ont élu à leur tête un homme complice d'un meurtre de masse. ....Comme les autres démagogues Duterte (Philippine) Trump, Erdogan ou Poutine, Narendra Modi est obsédé par le machisme et, en tant qu'homme fort, qu'il est une parfaite figure paternelle pour beaucoup de ses compatriotes qui se sentent émasculés par une économie opaque ? Beaucoup de ces indiens frustrés veulent aussi des boucs émissaires - musulmans, libéraux, anglophones - , de la même façon que des démagogues de la Vienne du tournant du XXe siècle avaient ciblé les juifs et les libéraux. L'histoire se répète en Inde, et cette opposition entre un Orient optimiste et un Occident pessimiste va s'effondrer." Le modèle occidental de la mondialisation capitaliste est à l'agonie. "C'est quand même extraordinaire que l'humeur intellectuelle dominante en Europe et aux Etats-Unis pense toujours que la démocratie libérale et le capitalisme sont le futur de l'humanité, à tel point que l'Histoire elle-même doit s'arrêter. Dans cette vision, il n'y a plus qu'à surmonter quelques obstacles - communisme, islam, terrorisme - qui encombrent le chemin du progrès. Pourtant, les chocs politiques et économiques de ces dernières années ont dévasté un tel fantasme utopique, et je ne peux qu'espérer que nous autres écrivains et intellectuels nous remettions à penser à nouveau, c'est à dire sans les béquilles de l'idéologie." "Quand je salue le Pape François, je souligne simplement sa compassion pour les faibles et le fait de ne pas voir la vie comme une compétition sans fin pour un statut social ou la richesse, mais plutôt comme une ouverture à la confiance et à la solidarité. de telles aspirations sont l'objet de la dérision des élites, alors même que qu'une majorité frustrée et en colère succombe à la haine vomie par les démagogues." |
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